mercredi 26 juillet 2017

Roseline Bûcher

Nuevo Mundo. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis passée devant. Le plus souvent en tram, direction Gare Centrale. Et pour cause, Nuevo Mundo est un salon de tatouage situé juste devant l'arrêt Porte de l'Hôpital. Je voyais toujours le nom du shop éclairé en grand, avec cet immense dessin de pin-up qui m'aguichait. 

Eh bien ! L'autre jour, j'ai enfin eu l'occasion de m'y rendre ! J'avais rendez-vous avec la jeune apprentie de Dago, Roseline Bûcher. 

J'avais découvert certaines de ses œuvres sur Instagram. Cartes de tarot, bestiaire médiéval, petits insectes, chauves-souris, crânes ... Pas besoin de t'en dire plus, tu t'en doutes, j'ai eu un gros coup de cœur. 

Viens avec moi, on va faire connaissance avec la sémillante Roseline Bûcher !





Du rêve au tatouage


Roseline Bûcher est une jeune artiste qui vient de Metz, ville où elle a fait les Beaux-Arts pendant cinq ans. Bon je dois dire qu'avant ça elle avait fait un bac S mais, en parfaite littéraire que je suis, j'ai promis de ne pas lui en tenir rigueur. Les Beaux Arts, en tous cas, ont été une belle expérience pour elle :
"J'ai pu expérimenter différentes formes artistiques. Photographie, gravure, installation ... Et de ce point de vue-là c'était vraiment enrichissant."
Une chose l'a tout de même déçue dans cet univers : la rupture entre le client et l'artiste, le manque de contacts.
"Le public ne connaît pas les artistes, il ne les rencontre pas. Il n'y a aucun échange. C'est quelque chose qui m'a manqué je pense. Ce dont j'avais envie, c'est que deux personnes,  le client et l'artiste, puissent créer quelque chose ensemble, faire naître une image qui leur parle à tous les deux."
A la fin de ses études, Roseline a donc décidé de changer un peu de domaine pour réaliser un service civique dans l'animation culturelle :
"J'ai travaillé dans une roulotte qui voyageait en zone rurale. On faisait des animations autour du rêve. Les personnes qui venaient à notre rencontre nous confiaient leurs secrets, leurs souhaits, les images de leurs songes ..."
Question échange, rencontre, Roseline était aux anges. Mais une chose venait encore la tarauder :
"Après les Beaux Arts, je me questionnais beaucoup. Je savais que j'adorais énormément le social, et j'étais très satisfaite de cette expérience dans l'animation, mais je ressentais le désir ou même plutôt le besoin de dessiner. Ça me manquait terriblement. Et c'est là qu'est revenue mon envie de tatouer."

"Dago m'apprend beaucoup de choses, c'est un vrai guide !"


La belle demoiselle s'est donc mise en quête d'un tatoueur qui accepterait de la prendre comme apprentie et Dago lui a ouvert ses portes. C'était il y a un peu plus d'un an.
"J'ai vraiment eu de la chance ! Je suis venue lui demander au moment où, justement, il cherchait un apprenti."
"J'admire beaucoup les tatoueurs qui se lancent seuls, sans avoir fait d'apprentissage au préalable. Mais je n'aurais pas pu personnellement, je ne crois pas que j'en aurais eu le courage."
"Dago m'apprend beaucoup de choses, c'est un vrai guide ! Il me permet de progresser non seulement pour l'aspect dessin et tatouage, mais aussi pour le côté social, le contact avec les clients, etc."
Roseline m'explique d'ailleurs que de maîtriser l'art du tatouage n'est pas aussi aisé qu'on pourrait le croise :

"J'ai été assez surprise par la difficulté de la technique, alors qu'aux Beaux Arts j'avais l'impression que tout était si facile à maîtriser, chaque nouvelle matière ou façon de faire. En plus, pour le tattoo, il y a la question de la peau, ce support qui évolue, cette notion de temps qui est forcément à prendre en compte. Il faut par exemple veiller à ne pas faire de lignes trop fines car elles vont mal évoluer. Il y a tant de choses à prendre en compte !"
Elle revient sur ses premières expériences : 
"Au début je tatouais des amis ou des personnes volontaires. J'avais beaucoup de pression ! Chaque tattoo était une remise en question. Surtout quand tu es perfectionniste ! Un dessin, tu peux le retravailler autant que tu veux. Un tatouage, ce n'est pas pareil !" 
"Heureusement, mes "cobayes" ont été très sympas, ils étaient tous satisfaits de leurs tatouages. Ensemble, on a vécu une belle expérience et je tiens à les remercier pour cela d'ailleurs ! Si ça ne s'était pas aussi bien passé avec les premières personnes que j'ai tatouées j'aurais eu bien plus de mal à trouver confiance en moi et à progresser."
En un peu plus d'un an, Roseline a beaucoup évolué. Il faut dire qu'elle travaille énormément, au salon où elle est du mardi au samedi, comme chez elle. Elle accompagne également régulièrement Dago à des conventions et a participé à celle de la Digital Game Manga Show.

"De baigner dans l'univers du tatouage te permet d'apprendre beaucoup plus vite, aussi bien par ton propre travail que par les échanges que tu peux faire avec les autres tatoueurs."
"Aujourd'hui c'est évidemment beaucoup plus facile pour moi de tatouer, et moins stressant !  J'ai compris comment le tatouage fonctionne. C'est une sorte de feeling en fait qu'il faut ressentir. Tu sais que si tu piques de telle façon, il se passera cela, et ainsi de suite."
Roseline n'a pas encore eu l'occasion de faire des guests mais c'est quelque chose qu'elle envisage avec une réelle envie :
"J'aime beaucoup voyager et j'adore rencontrer de nouvelles personnes ! Et puis je réalise qu'avec les tatoueurs on forme une sorte de communauté, ça fait toujours plaisir de rencontrer des personnes qui partagent ta passion."


Concrétiser un imaginaire. 


Ce que la jeune tatoueuse apprécie tout particulièrement dans son art, c'est de pouvoir partir d'une idée d'un client, une émotion, un moment de vie, pour le retranscrire sous forme de dessin à encrer :
"C'est un défi technique ! Pouvoir réaliser le tatouage qu'ils imaginent. C'est quelque chose de passionnant. Ça me rappelle pas mal ce que j'ai vécu dans la roulotte, quand les personnes venaient se confier, nous parlaient de leurs rêves, de leurs projets. C'est quelque chose que je retrouve dans le tattoo. Il faut partir de leurs pensées et réussir à les concrétiser."
"Le tatouage entraîne une relation particulière avec le client. Il te donne sa confiance et ce n'est pas quelque chose d'anodin. Il faut s'en montrer digne." 
Parfois, le client vient avec une idée assez floue, un simple mot, et Roseline doit travailler autour :
"Une fois, une personne voulait que je lui fasse un tatouage autour de la bienveillance. Je lui ai proposé une carte de tarot et cette idée lui a beaucoup plu. Ça m'a motivée aussi et j'ai dessiné plusieurs cartes. D'une commande est née une planche de flashs !" 
Roseline aime l'échange avec le client. Elle prend toujours le temps de parler avec lui pour monter le projet qui lui plaît. Si, pendant qu'elle tatoue, elle se concentre pleinement sur son travail et ne peut pas beaucoup discuter, les moments qui sont avant et ceux qui viennent après, notamment quand le client revient lui montrer son tatouage cicatrisé, lui tiennent énormément à cœur.


Une passion pour le médiéval.


Roseline m'explique :
"La grande majorité des personnes qui me contactent le font via ma page Facebook. Ils ont donc déjà vu mon travail et souhaitent avoir des tatouages qui sont proches de mon style."
Je lui demande justement de m'en dire plus à ce sujet :
"J'adore l'art du Moyen-Âge ! C'est quelque chose qui me plaît énormément. Ma mère travaille dans les musées de Strasbourg alors j'ai toujours baigné dans les livres d'art, les gravures, les images anciennes. J'adore aussi ces vieilles boîtes d'allumettes qu'on peut retrouver chez ses grands-parents qui ont des dessins incroyables représentés dessus !"
Elle se lève soudainement pour se diriger vers une étagère remplie de livres. Elle m'en montre quelques exemplaires, les yeux scintillants de bonheur : un bestiaire médiéval, un livre sur Durer, un autre sur Bosh, un autre qui regroupe de vieilles planches d'anatomie.
Elle ajoute :
"Je cherche également beaucoup l'inspiration sur Internet. On trouve des sites fantastiques où des personnes postent des scans de très vieilles images qu'ils trouvent dans les archives. C'est un peu un travail d'équipe en fait ! dit-elle en souriant. On trouve vraiment plein de dessins superbes. J'adore notamment ceux que les moines s'amusaient à ajouter dans les marges, ils sont très rigolos, avec des animaux bizarres, des personnages qui font des trucs étranges ... Un minuscule dessin peut être une source d'inspiration énorme !"
Ce qui séduit particulièrement cette passionnée d'art ?
 "Les images anciennes qui ont une histoire derrière. C'est le cas par exemple pour les cartes de tarot. Elles sont très étudiées. Non seulement elles ont un ordre précis, elles sont remplies de symboles, mais en plus elles ont beaucoup évolué."
"J'aime aussi beaucoup le Draconcopedes, c'est la femme-serpent qui aurait donné la pomme à Eve. Mais on retrouve ce même personnage à travers la fée Mélusine. Ce sont des histoires qui se recoupent et se mélangent sans arrêt."
"C'est pareil avec les gens au final. On prend une histoire, on lui ajoute quelque chose, et on en fait une nouvelle histoire. On a tous participé à ce genre d'écriture et de réécriture, d'imaginaire retravaillé, entremêlé de rêve et d'inconscient. D'une certaine façon, le tatoueur aussi participe à ces histoires quand le client lui en confie une." 




Une apprentie qui progresse énormément.


Roseline est une personne cultivée, passionnée et passionnante, débordante d'envie. Mais elle est aussi très sage, réfléchie, et elle avance à son rythme. Ainsi, actuellement, elle ne fait encore que du noir et gris. Elle précise :
"La couleur m'attire beaucoup et j'espère en faire avant la fin de l'année, on verra. Je fais entièrement confiance à Dago pour cela, il me guide dans mon évolution. Quand il sentira que je suis prête, je pourrais tout doucement me lancer."
"Il en va de même pour le réalisme en noir et gris par exemple, je n'en ai pas encore fait. Pour le moment, je me concentre sur les traits, les points, ... Ça prend du temps d'apprendre, la peau, c'est tellement différent du papier !"
Je lui demande alors si elle refuse de faire des motifs qui ne correspondent pas à sa spécialité :
"Quand je reçois ce genre de demande, comme pour le lettrage, j'accepte tout de même de le faire même si je précise au client que ce n'est pas ma spécialité contrairement à d'autres tatoueurs. C'est une question d'honnêteté."
"Mais sinon non, je n'ai encore eu à refuser aucun tatouage. Si une personne veut que je lui tatoue les mains ou le cou, je l'accepte également, sauf si c'est son premier tatouage. Je ne veux pas faire de tatouages trop visibles sur une personne qui n'en a jamais eu car le regard des autres sur elle peut changer sans qu'elle le sache encore. Mais sinon, je pense que chacun est libre de faire ce qu'il veut et qu'il faut le respecter."
Tu l'auras compris, Roseline Bûcher a trouvé dans le tatouage une réelle passion qui lui permet d'allier avec bonheur son envie de rencontrer et d'échanger et son amour profond pour les images et le dessin. Je lui demande si, à côté du tattoo, elle a encore le temps pour s'adonner aux autres arts qui lui plaisent tant :
"J'aimerais bien continuer à faire autre chose mais le tatouage est si chronophage ! Il faut s'y consacrer pleinement. De temps en temps j'arrive encore à faire un peu de graphisme mais c'est uniquement pour des amis ou des associations comme Animalsace."
Et c'est ainsi que s'achève cette interview. Roseline repart mettre le nez dans ses livres et ses croquis, Dago est dans la salle d'à côté en train de tatouer un portrait impressionnant sur un dos, et je me promène dans les rues ensoleillées de la ville. Strasbourg, un repaire d'artistes plus merveilleux les uns que les autres !

Pour aller plus loin :

Roseline est sur Instagram

Mais aussi sur Facebook

Et la page Facebook de Dago de Nuevo Mundo

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