L'autre
jour, je suis allée au Troquet des Kneckes pour rencontrer Naïssa
B.
Modèle
depuis mai 2010, photographe depuis octobre 2014, elle a rapidement
su créer son style et son univers, tantôt vintage et romantique,
tantôt effrayant, énigmatique.
Ses
œuvres sont des bijoux oniriques, des écrins d'émotions douces ou
violentes, des mots d'amour, un regard, un ressenti, un souvenir, une
force.
Débordante
d'idées, enflammée par sa passion, son envie de tester de nouvelles
choses, de se dépasser, la pousse toujours plus loin dans l'image,
la création.
Photo : Naïssa B. Modèle : Sally Brown |
« J'avais
envie de faire mes propres images »
« J'ai
été modèle pendant 5 ans et, à un moment donné, j'ai senti que
c'était le moment de changer. J'avais envie de faire mes propres
images, de la prise de vue, jusqu’au produit fini.»
« Déjà
en tant que modèle, les projets que je proposais étaient clairement
définis: maquillage, stylisme, personnage incarné… j'avais des
idées très précises du rendu que je voulais. C'est pour ça, je
pense, que la transition s'est imposée. »
« J'avais
la chance d'avoir tout le matériel nécessaire chez moi car mon
homme fait aussi de la photo. J'ai pu m'entraîner, des copines
posaient pour moi, et puis c'est parti ! »
« En
fait j'ai l'impression que tout m’a conduit là, toutes ces années
de modeling, comme une ligne droite qui me mène de plus en plus vers
un épanouissement personnel intense dans la création.»
« Mes
modèles incarnent un personnage qui n'est autre qu'une version
romancée d'elles-mêmes »
Modèles : Sully Sun / Cha Perchée Stylisme, MUAH, masque, photo : Naïssa B. |
« Comment
est-ce que je choisis mes modèles ? C'est simple. Je flashe sur
un visage alors je contacte la personne. Il m'arrive même
d'interpeller des nanas que je croise dans la rue ! »
« Ce
qui est important pour moi, c'est de discuter. Je m'inspire
énormément de la personne. J'aime voir ce qui l'intéresse, ce qui
l'habite, pour trouver un projet à travers lequel on puisse tous les
deux s'exprimer. »
« Ce
qui m'inspire chez un modèle, c'est d'abord son visage, puis tout
son univers, ce qu'il est. »
« Il
y a des filles, comme certaines modèles avec qui je collabore
souvent, qui ont un tronche extraordinaire ! Et un univers
tellement riche, tellement décalé ! Il y a des personnes comme
ça, qui ont tellement de facettes, qu'on peut faire plein de choses
très différentes avec elles ! »
« Ce
sont souvent des filles directes, très spontanées, qui offrent un
accès direct à monde et leur personnalité. »
« J'aime
aussi beaucoup photographier les personnes tatouées. Le tatouage me
fascine ! Et ce que j'apprécie, c'est de transporter ces
modèles dans un contexte beaucoup plus glamour. »
« La
fille tatouée est trop souvent présentée de manière hyper
vulgaire, sexuelle. Je veux les montrer comme des femmes élégantes,
glamours, les sublimer ! C'est si beau, une nana tatouée, alors
comment la résumer à un simple bout de chair ! »
« Si
j'arrive un tant soit peu à changer l'image de la femme tatouée,
réduite au statut de femme-objet, alors je serai vraiment
contente. »
« Ma
démarche a vraiment changé. »
« Au
début, je voulais juste montrer les gens de manière brute, sans
artifice, j'étais assez catégorique là-dessus, je pensais que
c'était ce qui pouvait m'amener au vrai. »
Modèle : Morgane (Sour & Sweet Tattoo) Mise en beauté : Julie Gless |
« Au
fur et à mesure, j'ai réalisé qu'en montrant les gens de manière
brute, en fait, je ne les montrais pas vraiment, eux, dans toute leur
complexité. Car ce qui nous caractérise, c'est plus qu'un visage,
c'est aussi une atmosphère, un ressenti, une part d'ombre qu'on ne
veut pas forcément exprimer. C'est pourquoi une image brute ne
reflétera jamais complètement une personne, je l'ai compris
progressivement. »
« Je
laisse les modèles évoluer dans le contexte qu'on a crée
ensemble. »
« Ayant
été moi-même modèle, je sais comment guider les filles. S'il y a
quelque chose qui cloche au niveau de la pose, je le rectifie tout de
suite, je perds beaucoup moins de temps ! »
« Enfin
… Là où je perds du temps, c'est en post-prod ! Je veux
vraiment retrouver l'impression que j'ai eu pendant la séance. C'est
comme quand tu fais « pause » dans un film : je veux
retranscrire une image mais aussi tout ce que j'ai pu ressentir à ce
moment précis. Je cherche avant tout à recréer une atmosphère. »
« Ce
que j'aime, c'est que mes photos créent une réaction forte, un
ressenti. »
« C'est
important aussi pour moi qu'on considère les modèles comme des
artistes à part entière. C'est tout un art de savoir comment
montrer son corps, comment se positionner, incarner un personnage, …
C'est un travail difficile et qui n'est clairement pas assez
reconnu. »
« Les
modèles sont des sources d'inspiration inépuisable, et il est
vraiment important de les valoriser. Idem pour les maquilleuses,
les coiffeuses, les stylistes… Mes photos ne seraient pas ce
qu’elles sont sans toutes ses personnes de grande valeur.»
« On
a tous une part d'ombre, un côté fantastique, un fantasme de ce
qu'on aurait aimé être dans une autre vie »
Modèle : Kyle Fireson Photography MUA/concept/photo : Naïssa B Serre-taille : Morphose et vous Conseils lumières : Louis Lezzi |
« J'ai
un nouveau projet, Fantastica. Je le résume ainsi : si tu
devais être un alter-ego de toi dans un autre espace-temps, un
humain qui aurait évolué autrement, comme serais-tu ? »
« Je
ne veux pas me soucier des codes habituels, je veux éclater mes
critères esthétiques, trouver du beau du côté de l'étrange, du
dérangeant. »
« Je
veux éclater les carcans, tout ce qu'on est habitué à voir. Je
fais exprès de me mettre dans des situations difficiles. Mon but est
clairement de réinventer mon propre concept de la beauté. Tout
déconstruire pour mieux reconstruire. »
« Ce
sont des personnages étranges, qui n'existent pas, mais qui sont
toujours générés par le/la modèle. Dans ce cas, c'est plus facile
pour lui de se projeter, et l'image qui en ressort est forcément
plus authentique. »
« Pour
Fantastica, mes modèles sont dénudés. Le problème étant que, si
je les habille, ça risque de trop contextualiser le personnage. Je
n'accepterai les vêtements que s'ils servent le personnage. Pour
autant, je ne vais pas montrer de téton, ou de sexe, je veux des
êtres asexués. Ce sera donc dénudé, mais très pudique. »
« J'essaye
au maximum de me donner les moyens de mes envies »
« Il
est important de faire les choses à fond ! Ce serait trop
frustrant sinon … J'ai envie de vivre, d'expérimenter au maximum,
tant que je peux, et tant qu'il y aura des gens pour me suivre. »
« Je
me sens parfois tiraillée entre mon travail, ma vie de famille et la
photo. Mais, à ce stade, je ne peux plus m'arrêter, pas en si bon
chemin ! Cela fait un an et demi que je fais de la photo, et
j'ai encore des ressources en moi qui sont énormes ! Ce n'est
que le début ! Je ne sais vraiment pas où tout cela va me
mener ... »
« En
fait, je commence à peine maintenant à me considérer comme une
photographe. C'est pour ça que, sur Facebook, j'ai choisis Naïssa
B. Artwork et non Naïssa B. photographie par exemple. Au début, je
considérais simplement que c'était quelque chose qui sortait de
moi. »
« Je
me sens désormais prête à me montrer un peu plus. Et ce dont je
rêverais notamment, c'est d'exposer. Tout d'abord pour le retour au
physique, au matériel, car si le virtuel permet beaucoup de chose,
la photo, au départ, c'est du papier. »
« Et
puis j'aimerais savoir comment mon travail est réellement perçu,
derrière les écrans, derrière le côté aléatoire des réseaux
sociaux, rencontrer les gens, leur parler, voir leur manière de
regarder et d'interpréter mes images. »
Modèle : Mado Muah : Aurélie Ziercher Guide lumières : Louis Lezzi Pour suivre les aventures de Naïssa B., voici sa page facebook ! |
Un très chouette article <3
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