jeudi 26 mai 2016

Samten Norbù : sa vie, sa créativité

Les œuvres de Samten Norbù peuvent revêtir milles facettes : du glamour rétro et burlesque à l'intimité d'un érotisme non feint, de la douceur d'une nudité choyée par un écrin de verdure à l'angoisse d'un esprit possédé.

Cette diversité de thème conserve pourtant son unité à travers le style unique de Samten, ce travail des couleurs, ce rendu luxueux, cette singulière écriture avec la lumière ...


Lieu : Sour and Sweet Tattoo. Avec : Morgane, Audrey et Sylvain.
Toutes les photos de cet article sont de : Samten Norbù.
"Je ne peux pas ne pas m'exprimer."

"Cela fait 10 ans que je suis passé pro."
"Je ne viens pas d'une famille qui était branchée photo. Je n'ai pas du tout baigné dans cette culture, les expos, ... On avait un jetable pour les photos de vacances, ça se limitait à ça."
"Ce n'est qu'à l'adolescence que ça m'a travaillé. J'avais pas mal d'amis qui faisaient de la photo alors je me suis acheté un petit appareil mais ce n'était que pour une production minime."
"Je n'ai jamais pensé devenir photographe ... J'ai une formation de publicitaire. J'ai d'abord tout quitté pour la musique. J'avais installé un home studio dans une grange à la campagne. Je passais mon temps enfermé à faire du son, de l'electro, qui ressemblait pas mal à du trip-hop."
"La musique, en fait, j'en jouais, au sens ludique du terme. C'est quand j'étais à Bruxelles que j'ai réalisé que les gens étaient plus touchés par mes photos que par ma musique. C'est là que j'ai décidé de faire une inversion : la musique comme loisir, la photographie comme métier. Je me montrais plus pugnace dans la photo que pour le reste."
Samten Norbù fait partie de ces artistes qui ressentent le besoin de créer, d'échanger, de transmettre des émotions. 
"Je ne peux pas ne pas m'exprimer. Que ce soit par la musique, la photo, la nourriture ..."
"Je me considère comme un medium, un moyen par lequel des choses passent."
"Provoquer l'émotion, c'est l'essentiel. D'ailleurs la photo est l'expression d'une émotion. Le travail de la photo, c'est la vanité, au sens de memento mori."

"J'ai fait relativement peu d'expos, et jamais dans les lieux institutionnels. Je n'intéresse ni les galeries ni les agences ... Je suis un peu un outsider !"
"J'ai déjà fait des expos dans des salons, j'ai eu des prix du jury dans différents concours ... Mais ça n'en reste pas moins difficile. J'ai fait face à de grands moments de questionnement ..."

"De par mon statut d'auteur, je n'ai que très peu droit de travailler pour les privés. A titre d'exemple, je ne fais qu'un ou deux mariages par an. Et si j'accepte les mariages, ce ne sont que ceux qui ont un vrai projet, où il y a un vrai échange avec les mariés."

"Je fais pas mal de shootings pour le plaisir, au gré des rencontres, ... Cela fait partie du vaste domaine qu'on appelle "collab" : on a envie de faire des trucs, de créer, mais on n'a pas d'argent."
"Pour les collabs, je demande aux gens de vraiment s'impliquer, de venir avec des idées, des lieux, des objets, ..."
"En fait, c'est un peu comme pour un wok : le plus important dans ce que je fais c'est de tout avoir prêt, tous les ingrédients, et, là, je peux mettre le feu. La séance en elle-même est le moment le plus court du travail. Il faut d'abord trouver la modèle, l'idée, le style, ... Tout est dans le préparatif. Un peu comme un concert d'une heure qui se prépare pourtant des mois."
"Je ne fais pas des photos tous les jours. Je ne me promène pas constamment avec un appareil photo. Je fais de la photo parce que c'est le moment, quand il y a de la maturité, quand le temps passé à préparer la séance le permet."



Des paysages rêveurs, des lieux abandonnés ravagés par le temps, une fille qui flotte en tenant un nuage, un couple de junkies évadées des seventies, un corps nu dans la nature, une créature étrange qui s'avance dans la pénombre angoissante, Codo Das Vegas sur une Harley, Sally Brown en sous-vêtements, ...
Tels sont les multiples sujets abordés par les œuvres de Samten Norbù. Son style unique, fabuleux, extatique, est presque impossible à définir. Quand on contemple ses photos, on reste sans voix.
Pour mieux comprendre cet artiste, et sa créativité, c'est à sa philosophie de vie qu'il faut s'intéresser.

"Tout s'imbrique : je ne pourrais pas faire de la photo sans la vie que j'ai."


"Soit on vit sa vie pleinement, soit on la consacre toute entière à un édifice. Encore faut-il savoir ce qu'on veut construire ..."
"Beaucoup de gens s'enferment dans un édifice vain, une vie normative. Bien sûr, on peut en tirer de la satisfaction. Mais quand je vois les réactions de ces personnes face à ceux qui, comme moi, n'ont pas la même vie qu'eux, cela me laisse perplexe ...
"Je me dis que s'ils étaient vraiment heureux, dans leur vie métro-boulot-dodo, enfant et maison, ils ne se montreraient pas si agressifs face aux autres."

Samten consacre sa vie à son art. Adepte du carpe diem, amoureux de la nature, il se confie sur son quotidien :
"Je ne comprends pas tout ce bashing sur les bobos alors qu'après tout ce sont des gens qui font des choses saines, naturelles. C'est plus qu'une hygiène de vie, c'est une vie d'hygiène au sens de vie saine. Je mange local, bio, j'utilise des produits nettoyants naturels, c'est tout un espace de choix qui débouche sur le bon sens."

"Je ne veux pas d'un travail au sens de tripalium, instrument de torture. Pour trouver l'inspiration, j'ai besoin de temps, de disponibilité. J'ai besoin de m'ennuyer. C'est de l'ennui créatif. Être à l'abris du besoin trivial rend disponible pour la créativité."
"Il y a eu des moments où j'ai enchaîné les petits boulots mais j'étais moins créatif, j'étais mort intérieurement. Ça me terrifie que tant de gens l'acceptent, qu'ils oublient leur moi lumineux pour ne plus mener qu'une course vers la tombe ..."
"Je vis dans une précarité choisie, je me contente de vivre avec peu, sans excès. Je mène une existence très monacale. C'est la vie austère qui permet d'atteindre l'épicurisme et le bonheur. Tu jouis des choses au moment où elles viennent à toi. Par exemple, j'attends la saison des fraises pour en manger, et je suis heureux d'en déguster à ce moment-là, contrairement aux autres qui en achètent tout le temps."



Samten a besoin de temps pour créer. Et c'est justement pour cela qu'on peut le trouver sur Tipeee. Ce site permet un financement participatif : chaque internaute peut choisir une somme à reverser chaque mois, même simplement 2 euros, à un artiste qu'il apprécie afin que ce dernier puisse vivre de ses créations.
"Je considère le Tipeee comme un échange, une interaction."
"Je me dis qu'il y a tellement de gens qui m'encouragent, qui visitent mon site, alors pourquoi attendre que je sois dans une galerie pour me soutenir financièrement ? Surtout que je n'y irai pas parce que je tiens un discours anti-élitiste."
"Les élites veulent l'exclusivité, elles veulent tout s'accaparer, et le cacher aux autres. Je suis tout l'inverse car je montre librement l'intégralité de mes oeuvres sur mon site."
"En plus c'est super encourageant ! On se sent engagé, quand quelqu'un nous donne 2 euros via le Tipeee. Ça m'aide de me dire qu'il y a des gens derrière moi qui me  poussent."
C'est d'autant plus important actuellement : "Comme les temps sont durs, la mise en place de projets est difficile ... Le problème c'est que depuis peu les entreprises n'ont plus de moyens, les restaurants ferment, les magazines aussi, ..."
"C'est pour cela que j'ai lancé la série Natural Nudes, où je photographie des femmes nues dans la nature. C'est un projet intéressant, et qui demande peu de financements."

Il évoque également un autre projet qui lui tient à cœur : Eros. Il photographie des femmes en train de se masturber. Il aimerait pouvoir montrer les corps dans leur singularité, les femmes dans leur intimité. Car chacune se donne du plaisir différemment. Et tout cet univers reste encore si peu exploré ...

Modèle : Sally Brown
Tenue : Boutique Lady Mistigris

Pour suivre Samten Norbù, vous pouvez consulter son site internet mais également sa page facebook.

N'hésitez pas à soutenir Samten sur son Tipeee !




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