mercredi 15 juillet 2015

Digression, j'te parle de moi : j'ai passé le CAPES d'histoire-géo !

-Et alors toi, tu pars cet été ?
-Ouais, on peut dire ça. En fait je vais passer quelques jours à Châlons-en-Champagne.
-Ah bon ? Mais c'est où ça ? C'est bien ?
-Euh ...
-Ah ! Je sais ! C'est pour faire la route des vins mais version champagne !
-Non.
-Tu vas faire de l'airsoft ?
-Non.
-Tu vas à un rassemblement bizarre avec des gens chelous qui écoutent de la musique de Satan ?
-Non.
-Alors y a quoi à Châlons ?
-Le CAPES !


Pour te situer THE ville. Source : le-lutin-savant.com
Cette fois-ci mon p'tit wackes d'amour, pas de portrait d'artiste alsacien rock'n'roll, non, non, j'ai envie de te parler un peu de moi. Parce que je sais que tu m'aimes et que tu rêves en secret d'apprendre pleins de choses sur la vie rêvée de ta blogueuse préférée ...
Non en fait j'ai pas trop le temps de prendre contact avec des artistes en ce moment. Pourtant, l'envie d'écrire est là, bien présente, dévorante. Alors j'me suis dit : ma p'tite Lulu, sors-toi un peu les doigts du cul et parle de ton concours, ça peut être marrant.
Bon bref, voilà un p'tit article écrit pour le fun, pour te parler d'une expérience perso, pour bavarder tout simplement.

Dernier jour de révision, Game of Thrones s'est invité dans mes lectures
"Mais t'inquiète pas, t'as toujours été une bonne élève, bien sûr que tu vas le réussir ce concours, ce n'est qu'une formalité".
C'est bien vrai, je suis sacrément bonne. N'empêche, ce genre de remarque, si gentiment et si constamment prononcé par tes amis et ta famille, te fous une pression de malade. Parce qu'en gros, ça ne te donne tout simplement pas le droit à l'échec.
Or, il faut le dire, le CAPES, ce n'est pas une formalité. Il faut bosser pour l'avoir, toute l'année, réviser, rien lâcher, garder le rythme, sacrifier une bonne partie de sa vie privée. Y en a même un qui m'a confié qu'il est allé jusqu'à refuser de boire la moindre goutte d'alcool ces derniers mois. Ça n'a clairement pas été mon cas.
3 thèmes en histoire, 3 autres en géo sont à préparer. 2 épreuves écrites (une dissertation et un commentaire de doc) et 2 oraux.
Je n'ai pas pour ambition de te résumer cette année, je veux juste te dire que ouais, ça a été rude, et que ce n'est pas pour rien que je pensais que j'allais échouer. De plus, il faut le préciser, je partais avec un tout petit, minime, infime, handicap par rapport à mes camarades, dans la mesure où je venais d'arrêter les études pendant un an et où, surtout, j'ai deux enfants en bas âge et des problèmes personnels par-dessus la gueule.
Mais j'ai tenu bon, je me suis accrochée. J'ai réussi l'écrit et en un souffle, bam ! Me voilà à devoir faire mes bagages pour Châlons.

Donc on est le jour J, je viens de passer ma matinée à chialer (bah oui, première fois que je pars sans mes gosses, ça fait grave mal au cœur alors interdiction de se moquer !), je vérifie une nouvelle fois que j'ai tout ce qu'il faut (je parle du strict nécessaire : mascara, déo et plug anal ... Non, en fait convocation, carte d'identité et montre) et je m'en vais rejoindre les joyeux lurons qui m'accompagnent en enfer.
On était cinq et j'étais la seule nana de la bande, on en a donc profité pour faire un petit gang bang bien sympatoch ... Non, je déconne.
Je dois dire que mes compagnons de voyage étaient plutôt cool, drôles, et surtout il y avait le mec le plus mignon de la classe et ça, faut l'avouer, ça joue quand même beaucoup pour un périple en bagnole de trois heures. Trois heures ... Sur de longues routes droites, tellement longues, tellement droites, tellement longues, tellement droites, tellement ... Bref tu m'as compris. Le mec qui a décidé de nous envoyer à Châlons pour ce concours, c'est sûr, il voulait pas qu'on fasse du tourisme. Il voulait vraiment s'assurer qu'on n'allait prendre aucun plaisir à faire ce périple. En revanche, côté géo, on peut sans problème en profiter pour étudier les systèmes agraires ... Et la déprime de la France intérieure (= tout sauf l'Alsace ;-) )
Sur le coup, j'me suis dit que j'allais me retrouver dans une bagnole pleine d'intellos qui allaient s'amuser à se tester, genre "Question en médiévale : récite-moi par cœur et en arabe l'oeuvre complète d'Ibn Khaldun ! Ouais trop fun, youhou !" Mais non ça a été.
Le conducteur a même eu la bonne idée de mettre de la musique carrément trop géniale : Iron Maiden mon amour et même du Death Metal, j'en ai jouis. 

Source : ozanet.fr (j'ai montré la photo à mon fils, il m'a dit :
maman, c'est moche)
Internat catho : me voilà ! La route, ça allait. Nous voici désormais à l'internat où je vais dormir. 
Une chapelle lumineuse me tendait les bras, guidant mes pas dans la douceur d'une soirée tendre et parfumée. La chaleur caressait l'herbe douce du grand parc embrassant les différents bâtiments de cet amical internat. Un petit lapin blanc gambadait devant mes yeux égayés ... J'en fais trop là, hein ? En tous cas c'était un endroit franchement mignon. Une chambre plutôt grande, un petit-déjeuner copieux, que demander de plus ?
C'était calme, les gens étaient tous souriants, on était presque à la limite du hippie.
J'ai quand même décidé de suivre les conseils d'un pote et d'essayer d'éliminer quelques candidats, pour augmenter mes chances de réussite : J'ai presque explosé la gueule d'un mec en sortant des toilettes mais ce con avait des réflexes de malade et il a esquissé la porte. 

Dimanche matin, jour du tirage. Ce matin a mis vraiment beaucoup de temps à venir. Pas moyen de dormir la veille. J'étais moite, si chaude, tellement humide, toute cette mouille, on appelle ça le stress.
Le dimanche, il n'y a pas de bus qui circule à Châlons. Mon camarade de classe-voisin de chambre, et moi-même nous sommes donc tapés les 30 minutes de marche à pied jusqu'à l'ESPE où on devait procéder au tirage (pour savoir si tu passes d'abord en histoire ou en géo).
Bien sûr, on avait repéré les lieux la veille. Bien sûr, on s'est paumé. On savait que c'était à côté d'une église, mais il faut savoir qu'à Châlons, il y a plusieurs bâtiments religieux donc cette info n'est pas suffisante pour se repérer. Heureusement une petite blonde nous a embarqué dans sa voiture et nous a emmené à destination.
A Châlons, le CAPES, c'est la seule animation de l'année. Pourtant les gens n'ont pas l'air de se rendre compte que tout à coup, y a plein de jeunes touristes qui débarquent dans leur ville. Demandez au tabac du coin l'adresse de l'ESPE, bah oui, là où il y a le concours, et on va vous répondre : "Quoi, vous voulez aller au stade ? Y a un match ?" ... Après tout, le CAPES, c'est un peu le match de nos vies !
On arrive dans le couloir de la mort. On s'installe. On attend. C'est long. Trop long.
Enfin, quelqu'un vient faire l'appel :
-Madame Ju ... Ju ... Ju ...
-Oui c'est moi.
Hors d'Alsace, personne n'arrive à prononcer mon nom de famille.
On t'emmène dans une salle, on te présente une grande enveloppe avec à l'intérieur, ta destinée ... Autrement dit un vulgaire bout de papier avec griffonné dessus "histoire" ou "géographie". Comme dans toute la salle, comme la plupart des gens à qui j'ai parlé, j'ai tiré "géographie".
A ce moment là, c'est vraiment un soulagement. Non, je ne voulais pas la géo. Mais oui, j'étais contente de savoir ce qui m'attendait.
L'après-midi est consacrée à la visite de la bibliothèque. J'en ai d'abord profité pour faire un peu de tourisme au centre-ville. Châlons, le dimanche, c'est mort. Au marché ? Y a pas un chat. Aux bistrots ? Tu croises forcément un prof. A la cathédrale ? Y a une cool déco : différents événements de la Bible ont été retracé avec des Playmobil ! Et ouais, mec ! Grave la classe !


En revanche, de passer du site du centre-ville au lycée situé aux abords de Châlons, en plein cagnard, un dimanche, alors que t'es mort de faim et que t'as rien à bouffer, c'est horrible. Gott ferdammi, tu te sens tellement seul sur ce coup là, à longer cette grande ligne droite, avec ses entreprises fermées, ses maisons décrépies. En plus j'ai chopé un de ces coups de soleil !
J'ai pris mon dos en photo, je l'ai envoyé à un pote, il m'a dit :
-Et toi t'es censée être à Châlons en train de passer un concours ? Fous-toi bien de ma gueule ! T'es allé voir Stef dans le sud !
Bah non. Clin d’œil à mon poto Steeeef !




Bref, l'aprem, visite de la biblio. Plein d'ouvrages, tout est très bien indiqué, très bien rangé. Y avait juste une candidate un peu chelou qui s'amusait à renifler les bouquins. Ce sont des choses qui arrivent.
Après la visite de la biblio, j'ai décidé d'assister à un oral, pour voir comment ça se passe en vrai. Ça m'a vraiment rassuré. Oui, parce que la meuf était nulle. Elle n'a pas tenu les temps, elle n'a pas défini le sujet, bref, c'était foiré. Au moment des questions, c'était une ribambelle de "Je ne sais pas". Les profs sont pourtant restés très souriants, ils ont vraiment tout fait pour qu'elle réussisse à répondre aux questions. Le Texas était français et Shell est la plus grande compagnie pétrolière états-unienne. Elle a eu droit à une question bonus, histoire de sauver un peu la face quoi :
-Citez-moi au moins une île française.
-Haïti.

Le soir, j'ai tenté de réviser. En fait non, je suis simplement allée me coucher, et j'ai super bien dormi. T'es ravi de le savoir, ça a changé le sens de ta vie, avoue.

Le matin de la première épreuve, j'étais de super bonne humeur. Tout allait bien, j'ai bien dormi, j'ai bien mangé, j'ai bien fait caca (Je sais que ma vie t'intéresse ! Alors arrête de râler et lis !), j'ai mis une tenue correcte pour passer un concours de prof (robe léopard moulante ras la chatte, rien d'extravagant).
Géo, me voilà ! Une jolie nana te tend des petits bouts de papiers sur lesquels sont inscrits les sujets. Et là, tout repose entre ta main. Vas-y, main, choisis, et choisis bien !
-New-York, vitrine de la puissance américaine ?
Bon bah c'est potable ma foi ! Allez, c'est parti, 4h de préparation, ça passe hyper vite. Atlas, carte topo, manuel, faut pas perdre de temps à la biblio. Jette un coup d’œil aux programmes, pense à faire une production graphique et ... Voilà, le temps est déjà écoulé.
Franchement, l'oral s'est plutôt bien passé, j'ai géré le temps, je n'ai pas lu mes fiches, j'ai bien répondu aux questions ...
Certes, c'était pas parfait, j'ai quand même gentiment expliqué qu'on connaît tous le célèbre film où "Hong-Kong escalade l'Empire State Building" et j'ai mimé la marche à pied au cas où les prof qui se tenaient devant moi ne savaient pas ce que c'était ...
Sinon, franchement, ça s'est super bien passé. Les profs étaient souriants, sympas, les questions plutôt faciles, ... L'enfer, c'est pas les oraux de géo.

Le lendemain, c'était pas la même. Épreuve d'histoire, en ASP, sur dossier quoi, avec une partie historio. Evidemment, il a fallut qu'on nous sorte une caricature de Charb, l'épreuve n'est pas assez difficile en soi, il faut en plus que tu évoques un sujet d'actualité brûlant, à prendre avec milles pincettes. Mon sujet, en fait, c'était histoire et image.
Deux heures de préparation seulement. T'as l'impression que ça dure 5 minutes.
Je tiens les 30 minutes demandées pour l'exposé, sans soucis. Et pourtant la pétasse d’apparitrice qui m'avait guidé de la salle de préparation à la salle d'examen avait fait tombé mes fiches pendant que j'étais aux toilettes, sans me le dire. Heureusement, je l'ai vu dès le début de l'épreuve et j'ai tout remis en ordre tout en me lançant dans mon intro.
Le moment fatidique des questions est venu. Le premier prof prend la parole :
-Le sujet était "histoire et image". Pourquoi alors avoir traité le sujet "histoire et représentation" ?
Là, j'me suis dit que c'était foutu. J'ai pas lâché la partie pour autant, j'ai argumenté de milles façons, je suis restée souriante et positive. A la fin de l'épreuve, j'ai pourtant cru que j'allais me mettre à chialer.
Les deux épreuves étant déjà finies, tu te dis que de toute façon, les jeux sont faits, y a plus rien à dire, plus rien à faire. Alors j'ai décidé que tant pis, j'étais en vacances après tout, j'allais pas pleurer maintenant, j'aurais tout le temps de le faire l'année prochaine. Avoir des regrets, repenser à ce que t'as fait, ça sert à rien, sauf si t'es maso et que t'aimes te torturer ...
Le pire, évidemment, c'est quand tu retrouves tes camarades de classe. Chacun échange ses sujets, ses avis. Y a le mec qui a le pire sujet du monde mais qui le prend bien. Y a l'autre qui te casse les couilles parce qu'il a oublié de citer un historien, je te jure celui-là, il y pensera jusqu'à sa mort ! Truc de ouf ! J'avais juste envie de lui dire allez mon mignon, viens, je te donne une petite fessée cul nu, ça va t'aider à te détendre, t'en as besoin, et puis moi aussi ...
Mes camarades de classe et moi, on vient pas trop du même monde faut le dire, on n'a pas les mêmes soucis ni les mêmes priorités dans la vie ... Pendant que le beau gosse se lamente à cause d'un nom oublié, je me dis que j'ai totalement foiré mon épreuve et que je n'arriverai jamais à sortir de la merde dans laquelle je me suis fourrée, de cet insondable gouffre financier ... Le CAPES, c'est pas qu'un écrit et un oral, c'est surtout une épreuve qui peut changer toute ta vie. Une année de préparation, ça passe incroyablement vite. Et les trois jours à Châlons, mine de rien, se déroulent à une vitesse folle. Le CAPES, c'est une course d'endurance, une course contre toi-même, contre les autres, contre la montre, et faut vraiment assurer au sprint final sinon tous tes efforts auront été vains.

Le trajet du retour a été très long, c'était interminable, totalement déprimant.

Trois jours après, les résultats sont tombés. Oui, j'ai chialé.


Et pour le fun, dernière photo prise à Châlons ... Les Suceuses de l'Est ...
Merci d'avoir pris le temps de me lire ! Promis, le prochain article, ce sera art et rock ! Schmoutz !










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