mardi 3 mai 2016

Shibari et BDSM : J'ai rencontré un encordeur

J'ai toujours été fascinée par le shibari, l'esthétique, la sensation, les cordes, la contrainte, le plaisir. Alors quand l'occasion s'est présentée de rencontrer un encordeur, je n'ai pas hésité une seconde, désireuse d'en savoir plus, sur cette pratique, sur tout cet univers intriguant, passionnant, si sensuel. C'était pour moi comme un besoin, un appel.
Et, en dépit du fait que je sois une vanille (ça veut dire que t'es pas du milieu), j'ai été accueillie avec une très grande gentillesse. L'encordeur que j'ai interviewé, Fenikkusu, a répondu à toutes mes questions avec franchise, simplicité, et une ouverture d'esprit des plus admirables.
Je te sens désireux d'en savoir plus, alors je me tais, je vais le laisser te parler !

Fenikkusu
Photo : Instant T
(Toutes les photos m'ont été remises par Fenikkusu, après avoir demandé l'autorisation de les publier à toutes les personnes concernées)
"Je suis le responsable du chapitre de l'est de l'Anneau de Justine. Cette association a été fondée en Bretagne par Maître George. On essaye de s'organiser, de fédérer toujours plus de monde, d'organiser des soirées, ... A l'image des munchs par exemple, que j'organise sur Strasbourg avec Balkis également, une domina", m'explique Fenikkusu. "Je fais aussi partie de la communauté LesCordesLestes (c'est par ici pour ceux qui ont un compte fetlife) avec qui j'ai appris beaucoup de choses, et nous organisons également des ateliers."
"Les munchs? C'est simple ! Ce sont des rencontres autour du BDSM. On se retrouve dans un bar ou un resto, et on discute. C'est très bon enfant. On ne vient pas à un munch pour draguer ou quoi que ce soit, mais pour échanger sur nos pratiques. Les débutants sont aussi acceptés. Il y a déjà des curieux qui sont venus, simplement pour en apprendre plus. Des couples qui s'amusent dans leur chambre, avec des cordes, ou un martinet, et qui s'interrogent sur leurs pratiques, qui aimeraient peut-être aller plus loin."
"Les munchs se déroulent dans toutes les grandes villes de l'Est : Strasbourg, Munster, Metz, Mulhouse, ..."
"Le Marquis de Sade est français quand même ! Et pourtant, en France, nous sommes très mal organisés ! A titre d'exemple, en Allemagne, il y a des rencontres toutes les semaines, ils sont même à la limite d'être politisés afin d'être reconnus."

Knife play, fire play, waterboarding, barbelés, ...

Je demande à Fenikkusu de revenir rapidement sur son parcours : "J'ai commencé comme libertin. J'ai peu à peu glissé vers la fessée, puis, progressivement, vers les cordes. Cela fait un an environ que je m'y consacre pleinement."
Modèle : Justine Redcurl
(soumise de Maître DarkMador)
"J'ai appris tout seul, en regardant des vidéos et en m'entraînant chez moi. Par la suite, j'ai aussi participé à des workshops à Paris, à la Place des Cordes, ainsi qu'à divers ateliers à droite à gauche pour pouvoir échanger, et en apprendre toujours plus !"
"Je recherche constamment de nouvelles choses. Certaines personnes cherchent à se spécialiser mais ce n'est pas mon cas, je préfère toucher à tout."
Le BDSM regroupe toutes sortes de pratiques très variées : bondage, fessée (tu savais qu'il existe des cours pour apprendre à donner des fessées ?), le waterboarding (la sensation de noyade), le knife play (qui peut aller de l'effleurement jusqu'au sang), le fire play, la cire de bougie, le cellophane (on peut emballer entièrement une personne dans du cellophane), l'électro (on trouve des kits électro dans les sex-shops), ...
"On peut tout à fait cumuler différentes pratiques. J'ai prochainement une soirée de prévue sur Toulouse où je vais faire plusieurs choses en même temps : barbelés, cire, fireplay."
"La prochaine chose que j'aimerais maîtriser ? Le fire play ! Au final, on ne cesse jamais d'apprendre ... Le BDSM est tellement vaste, et la douleur n'est jamais la même."
"On peut faire tellement de choses ! On peut détourner tous les objets du quotidien !" m'explique Olympe, la soumise de Fenikkusu.
Ce dernier précise : "tout peut être détourné, la pince à linge, le crochet de boucher, ... Par exemple, on peut simplement dire à la soumise de se mettre à genou sur un balais (là, il a un petit ricanement légèrement vicieux). Et il ne faut pas hésiter à aller dans le plus grand magasin BDSM du monde : Décathlon ! Les cravaches y sont beaucoup moins chères que dans les sex-shops !"

Shibari : "Les cordes ne sont pas forcément liées à la douleur, à la domination, il s'agit plus d'une recherche philosophique. "


"Il y a plusieurs courants autour des cordes. Il y a le bondage américain, c'est-à-dire la capture rapide, qui n'est pas très graphique, pour laquelle il n'y a pas vraiment de recherche. Et il y a le shibari japonais, qui est tout à fait différent."
Modèle : Olympe
"Selon moi, les cordes font pleinement partie du BDSM mais certains aimeraient distinguer les deux. Les cordes ne sont pas forcément liées à la douleur, à la domination, il s'agit plus d'une recherche philosophique. "
"Avec le shibari, la connexion entre les personnes est beaucoup plus forte, et il y a vraiment une recherche qui se fait. La personne encordée se sent libre, elle fait un voyage intérieur. Il y a beaucoup de choses qui remontent quand on est encordé, des souvenirs souvent très forts."
"Par exemple, on ne peut pas sortir en coupant les cordes d'un coup. Cela blesserait la personne intérieurement. Je prends beaucoup plus de temps pour enlever les cordes que pour les mettre. Il faut écouter la personne, voir comment elle réagit, il faut jouer, caresser, tout à coup resserrer ..."
"Il faut être très attentif car la personne peut partir, elle a une telle dose d'endorphine qu'elle devient comme shootée, elle est alors incapable de dire si elle a mal dans le bras par exemple."
C'est ce qu'on appelle le sub-space : "c'est un état de conscience modifié, une sorte de transe dans lequel le soumis entre. Mais on trouve la même chose chez les dominants ! On est tellement dans le contrôle, c'est si intense, qu'on part ensuite."
"L'aftercare, c'est rester avec la personne, attendre qu'elle remonte. Quand on quitte les cordes, il est vraiment important de rester avec la personne qu'on a encordée. Si on la laisse seule, elle risque de faire une mauvaise descente."

Semi-suspension, suspension inversée, suspension latérale.

"Il y a quelques modèles qui me contactent pour le shibari, pour des séances photos, mais aussi des personnes simplement intéressées par cette pratique. Dans tous les cas, je discute d'abord pour savoir ce que la personne recherche."
"On peut faire en sorte que ce soit juste joli, mais on peut aussi rechercher de la douleur. On peut jouer sur l'équilibre et le déséquilibre, mettre la personne en difficulté. Ce que j'aime beaucoup par exemple, c'est la semi-suspension, quand la personne ne touche plus le sol qu'avec le genou, ou la pointe des pieds. Je la balance à droite, à gauche, et elle cherche désespérément l'équilibre. Il y a aussi la suspension inversée ou la suspension latérale ..."
John (partie d'urbex)
"Il faut cependant être conscient que la suspension, ce n'est pas pour les débutants. Il faut que les deux soient expérimentés, car on ne peut jamais savoir comment l'encordé va réagir. Et de toute façon il ne faut pas oublier qu'on peut déjà faire beaucoup de choses "au sol", j'entends par là par terre, sur un lit, sur une chaise, ... C'est par là qu'il faut commencer."

Cordes en coton, en chanvre ou en jute.

"On peut utiliser différentes sortes de cordes, faites de différentes matières et de diamètres variables. Il y a les cordes en coton, celles qu'on trouve le plus fréquemment dans les sex-shops, mais elles sont à bannir si on veut faire de la suspension !"
"Il y a les cordes en chanvre, mais je les trouve trop lourdes et moins rapides en main. Je préfère celles en jute, mais d'autres peuvent ne pas être de mon avis. Je trouve que le jute chante, qu'il vibre. Si je glisse mon doigt sur la corde, elle va vibrer sur tout le corps de l'encordée. "
"On peut les acheter toute faite ou bien les fabriquer soi-même, en achetant des rouleaux et en les découpant comme on veut. La taille parfaite, pour une corde, c'est 8 mètres. J'en fabrique et j'en vends également."
"Pour ce qui est des anneaux, on utilise ceux qu'on veut. Personnellement, j'ai des anneaux de gym ! En revanche, pour les mousquetons, il faut veiller à en prendre des assez plats pour éviter que les cordes se chevauchent."

"Il faut que la personne que tu as en face de toi soit consciente qu'un accident peut arriver à tout moment."

"Il faut garder à l'esprit que cela reste une pratique à risque. Une corde mal placée, et tu peux avoir des fourmis pendant six mois ..."
"Quand j'encorde une personne et qu'elle se plaint d'avoir des fourmis, je lui demande d'être très précise. Si c'est au niveau de la main, elle doit me dire quel doigt, afin que je sache quelle corde bouger ..."
"Il faut que la personne que tu as en face de toi soit consciente qu'un accident peut arriver à tout moment. Il faut faire attention au moindre problème physique mais aussi psychologique. Par exemple, on ne peut encorder une personne dans un état dépressif ... C'est d'ailleurs pour cela que le dialogue est primordial, aussi bien dans l'avant que dans l'après."
"Quand on encorde, il est nécessaire d'avoir toujours avec soi :
-de quoi couper les cordes rapidement
-de l'eau
-une couverture"
"La couverture est nécessaire car, quand les cordes quittent le corps de la personne, elle devient frigorifiée."
"On ne peut pas aller vers n'importe qui, il faut se renseigner d'abord, pour être sûr que la personne sache ce qu'elle fait, car, je le répète, c'est une pratique à risque. C'est pour ça que le mieux est d'abord de se rendre à un munch, pour pouvoir discuter."
Fenikkusu vous recommande de consulter ce site ou de télécharger ce guide (pdf) pour en savoir plus sur les règles de sécurité à respecter.
Embarbellement par Fenikkusu
A gauche : Oniki
A droite : Shalimée

Les barbelés

A la place d'utiliser des cordes, on peut aussi utiliser des barbelés, oui, des vrais, et oui il y a du sang qui coule (je le précise parce que, quand j'en ai parlé à des amis, ils ne me croyaient pas).
Fenikkusu a déjà eu l'occasion d'embarbeler deux femmes lors d'une soirée BDSM à Toulouse, le clou du spectacle étant une couronne de barbelé posée sur la tête !
On commence par les mollets et on monte progressivement. Une sensation de chaleur accompagne le mouvement et la personne s'arrête vite de bouger.
"Pour les barbelés, il faut au moins être à trois ou quatre. S'il y a le moindre problème, il faut tout de suite quelqu'un prêt à aider ! Ce n'est évidemment pas une pratique à mettre entre toutes les mains ... A ma connaissance, nous ne sommes que deux en Alsace à le pratiquer."



Et Fifty shades of grey dans tout ça ? (joke)

"50 shades of grey nous a fait une très mauvaise presse, car c'est un roman à l'eau de rose, éloigné de la réalité. Cela casse l'image du dominant. Beaucoup de nanas s'intéressent au BDSM simplement pour chercher un mec, sans rien connaître du milieu, sans être avertie, or ce milieu n'est pas fait pour elles ..."

John (lors d'une partie d'urbex)




1 commentaire:

  1. Merci pour cette découverte.. sans avoir posté la photo dont j'ignorais la provenance, je n'aurais pas découvert ce superbe reportage... tellement humain et qui me conforte dans l'idée que le bondage est une source d'épanouissement et de partage
    Quand il y a cette alchimie entre les deux partenaires.

    (Délicieux Supplices )

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