lundi 6 novembre 2017

Louise Novembre m'a tatouée et c'était bien chouette !

Louise Novembre est une toute jeune tatoueuse qui a déjà un style graphique marqué, un univers riche, un talent qui se déploie avec bonheur.
Ses motifs inspirés de l’art médiéval et des vitraux m’ont immédiatement tapé dans l’œil, si bien que je lui ai demandé de me tatouer l’un de ses flashs.
Rencontre avec Louise Novembre.



Pour mon petit tattoo, je me suis rendue un matin de vacances chez Dix Minets, une autre tatoueuse que j’adore. Dix Minets, oui, parce que Louise Novembre tatoue à ses côtés. Arrivée sur le pas de la porte ce n’est donc pas qu’une très jolie artiste qui m’a accueillie, mais deux. Je sais, j’en ai de la chance !

Elles sont toutes les deux tellement souriantes et si gentilles, je savais tout de suite que j’allais passer un bon moment. Elles me guident dans la pièce réservée au tatouage, un bel endroit lumineux, très joliment décoré, avec partout des petits ou des grands flashs, des illustrations signées par d’autres tatoueuses et des bouquins sur les chats. 

On discute avec Louise de la taille du tattoo, de l’emplacement et puis elle me rase le bras. Se faire tatouer, c’est aussi ça, partager avec l’artiste une forme d’intimité un peu bizarre mais sympathique. Plusieurs désinfections, on pose le stencil, on attend un peu et puis c’est parti !



Je me suis allongée sous les regards inquisiteurs de Dix Minets et de Louise Novembre et j’ai souffert le martyre pendant cinq longues heures, à geindre, pleurer, supplier, … Non je plaisante. Non seulement c’était très rapide, parce que mon tattoo était petit, mais en plus je n’ai pas souffert, ouais chui trop un bonhomme moi. Et puis Louise Novembre était très douce, me demandant régulièrement si tout allait bien, tatouant avec efficacité et précision, dans la bonne humeur, et avec des musiques un peu bizarres de Fip en toile de fond.

Dix Minets regardait mon bras avec une grande passion, elle le fixait, approchant son doux visage, mon bras en a presque rougit. Bon, en fait, si elle faisait ça, c’est parce que Dix Minets conseille beaucoup Louise Novembre.



En effet si Louise est passionnée d’art depuis toujours et a été graphiste par le passé, ça ne fait qu’un mois qu’elle tatoue.

« Dix Minets regarde ce que je fais et elle me conseille beaucoup. Quand j’ai commencé à tatouer, je me suis d’abord entraînée seule chez moi, en autodidacte, sur des peaux synthétiques et des oranges, et puis sur moi aussi ! Grâce à Dix Minets, j’ai bien plus progressé en un mois que je ne l’avais fait seule. Elle m’apporte énormément. Je l’appelle mon petit maître Jedi ! En plus, d’avoir de vrais clients permet également de faire de gros bonds en avant. Si j’avance, c’est aussi grâce à eux ! »

Si Louise Novembre a toujours été une grande passionnée de l’illustration et du tatouage, ce n’est qu’en débarquant de la région parisienne qu’elle a décidé de vraiment se lancer, pour notre plus grande joie !

« Je vais bientôt avoir 30 ans et j’avais envie de faire quelque chose d’autre, de changer un peu. Le tatouage est pour moi une nouvelle aventure passionnante ! Ça me donne envie de me lever le matin. Et ce qui est génial, c’est que tu ne sais jamais comment tu vas évoluer, quel style tu auras dans un an … Tu sais juste que plein de choses t’attendent, et ça c’est super ! »


Louise Novembre est très heureuse de vivre à Strasbourg, ville pour laquelle elle a eu un gros coup de cœur, ce qui s’explique en partie par l’architecture de la région. 

« Esthétiquement j’ai toujours été plus sensible à l’art médiéval germanique. Le médiéval, c’est quelque chose qui me parle depuis longtemps, j’adore les enluminures qui sont à la fois très riches, très complexes, mais en même temps en deux dimensions et pas très réalistes. Ça leur donne un côté intemporel. »

Il faut ajouter que cette jeune artiste vit tout près de la cathédrale qui est pour elle une grande source d’inspiration.

« Dès que je sors de chez moi, je la vois, et ça, c’est fantastique ! J’aime les vitraux, l’aspect géométrique, les lignes droites, cet aspect très construit de cet art. Je suis une grande chasseuse de vitrail d’ailleurs ! Dès que je passe dans une église, je prends de multiples photos ! »

Louise précise que plus encore que le médiéval pur et dur, c’est celui revisité par le XIXeme qui la séduit.

« C’est ce qu’on appelle le néo-gothique, ce médiéval réinventé par le XIXeme, complètement idéalisé. Ça m’inspire énormément ! »


L’art de cette tatoueuse puise aussi pleinement dans l’ésotérisme et l’alchimie. 

« En plus de cela, je vois le tatouage comme une amulette. Pour moi, le tatouage a une réelle signification, ce n’est pas juste décoratif. Il peut nous rappeler quelque chose, ou nous aider à nous sentir plus forts. Ce côté symbolique me plaît beaucoup. Après tout, le fait même de se tatouer a un sens, on se met un dessin sur soi, ce n’est pas quelque chose d’anodin. »

D’ailleurs Louise Novembre s’est lancée un challenge pour le mois de novembre : faire un flash tous les jours en rapport avec l’ésotérisme.



Ce qui plaît à cette sémillante et généreuse artiste, c’est aussi l’imaginaire.

« J’aime ce qui permet de s’échapper un peu de la réalité. Les sirènes, les coquillages … Petite, ma mère m’avait fait prendre des cours de dessin mais ça m’ennuyait, on nous demandait de dessiner des choses peu intéressantes, alors que j’avais juste envie de pouvoir m’évader à travers l’illustration. J’adore aussi dessiner les animaux. C’est intéressant de trouver les formes géométriques qui composent les animaux. Il faut être très précis, si tu changes un trait, tu ne reconnais plus l’animal. »

Pour le moment, Louise Novembre se contente de tatouer des flashs pas trop grands, normal lorsqu’on est un bébé du tatouage comme elle. Mais elle évolue vite et elle déborde d’envies !

« Mon rêve ce serait de pouvoir tatouer un dos entier en vitrail ! Et puis j’aimerais aussi tatouer plus de symboles, non seulement par mes flashs, mais aussi que les gens viennent me voir avec leurs propres idées. J’aime écouter les autres, entendre leurs histoires. C’est d’ailleurs pour cela aussi que j’ai souhaité me tourner vers le tatouage, pour ce côté social. Le tattoo me permet de m’ouvrir au monde, de rencontrer plein de personnes toutes différentes. »


A l’heure où j’écris cet article, j’arbore fièrement mon magnifique petit tatouage sur le bras. Il cicatrise tranquillement et je suis plus que satisfaite non seulement de ce sublime dessin sur ma peau, qui me rappelle les joies de mon enfance, mais plus encore de cette belle rencontre et de ce petit moment de bonheur que j’ai vécu grâce à Louise Novembre et à son maître Jedi, Dix Minets.

En plus, j’ai appris que Louise Novembre et moi avons une autre passion commune : l’écriture ! En effet, cette artiste aux multiples talents rédige également des romans en anglais.

« J’espère un jour pouvoir être publié. Tatouage et écriture sont deux choses très importantes pour moi. »

Une jeune artiste à suivre, tu l’auras compris !

D'ailleurs tu peux la retrouver sur sa page Facebook

Mais également sur Instagram en cherchant louise_novembre ! 

Oh ! Et voilà mon tattoo ! Merci, merci, merci Louise Novembre !
Coeur, coeur, coeur !













mercredi 4 octobre 2017

Helegramy : argentique, pola et nu artistique

J’ai découvert les photographies d’Hélène, ou Helegramy, en me baladant sur Instagram.
J’ai été charmée par la beauté et la douceur de ses œuvres, la délicatesse des couleurs, la poésie de son regard. Elle photographie des femmes, principalement, des corps nus, des fesses, des seins, des dos, des épaules ; des demoiselles en dentelle ou en soie, en robe ou en peignoir ; des demoiselles au naturel, dans l’intime, dans les petits éclats de bonheur du quotidien. Pas la moindre once de vulgarité ou d’érotisme dans ses photos qui, quand je les regarde, me font l’effet d’un rayon de soleil printanier.
Passionnée de Pola, réalisant la plupart de ses photos en argentique, ce fut un grand plaisir pour moi de l’interviewer.


Jelena par Helgramy

La photographie comme un changement de vie



Originaire de Mulhouse, la sémillante jeune femme est venue à Strasbourg en 2006 pour finir ses études. Assez éloignée de l’art, elle se spécialisait dans la chimie. Elle m’explique : 
« A cette époque je n’envisageais pas du tout de me lancer dans la photo. Je me considérais comme une scientifique. C’est quelque chose qui me bloquait, cette vision que j’avais de moi-même. Je ne me considérais pas capable d’adopter une démarche artistique, comme si ce n’était pas fait pour moi. Et puis j’avais d’autres projets alors. »
Pourtant, la photo a toujours été présente dans sa vie : 
« Ma grand-mère est passionnée de photo. Elle a une pièce qui est principalement remplie d’un côté de livres et de l’autre côté d’albums photos. J’aime m’y asseoir et regarder toutes ses images. » 
« Et puis j’ai toujours été cette personne qui ne lâche jamais son petit compact pendant les soirées. J’adore faire plein de clichés de mes amis. Mais ce n’était pas alors dans un but artistique, je voulais juste garder des chouettes souvenirs. » 
Daisy par Helegramy

C’est il y a trois ans qu’Hélène s’est tournée vers la photo avec plus d’intensité : 
« J’avais envie de découvrir de nouvelles choses, des activités qui puissent m’intéresser. Faire plus qu’aller au sport le vendredi soir, tout simplement. Et puis je voulais rencontrer d’autres personnes et je me suis dit que la photo était un bon moyen pour élargir son cercle de connaissances. »
« J’ai commencé par le biais du numérique, j’ai pris des cours à l’Université Populaire. Je me suis également beaucoup renseignée sur la photo, j’ai commencé à me rendre régulièrement à des expos, à lire des livres sur le sujet, à m’intéresser à l’image. » 



Du numérique à l’argentique, en passant par le Polaroid 



Hélène, qui a commencé à s’intéresser à la photographie par le biais du numérique, s’est très vite tournée vers l’argentique. 
« J’ai vite réalisé que pour progresser dans le numérique il fallait forcément passer par de l’informatique et ça ne m’intéresse absolument pas. J’ai compris que j’avais besoin d’aller vers une approche plus concrète. »
« J’aime l’idée de pouvoir m’amuser avec mes photos, les bricoler, les gratter, les découper, faire des transferts, … J’ai découvert dans l’argentique le medium qui me permet de m’épanouir. »
 « Et puis surtout le rendu n'est pas du tout le même, avec l'argentique les clichés ont de l'âme et une vraie texture. Le numérique m'a vite semblé trop propre. »

En outre, Hélène ne s’est pas arrêtée à l’argentique : 
« C’est dans la continuité de l’argentique que je me suis mise au Pola. J’aime le côté un peu old school de ce medium ! » 
Argentique et Polaroïd ne sont toutefois pas utilisés dans le même état d’esprit par l’artiste, qui m’explique : 
« J’apprécie énormément le côté très doux de l’argentique, son coloris pastel, alors que le Pola me séduit par son côté funky ; j’aime en faire des trucs plus rigolos. J’aime le prendre avec moi quand je me promène ; je suis capable de faire plein de photos de fleurs dans Strasbourg… ça fait de jolis marque-pages ! »
« Pendant les séances, j’aime sortir le Pola pour faire des photos un peu décalées, amener un petit grain de folie dans la séance. Ça m’est déjà arrivé de demander à des modèles de sauter ou de secouer la tête dans tous les sens ! J’aime le côté flou qui en ressort. » 
Camille par Helegramy

Une passion pour le nu artistique 



La jeune artiste se laisse ainsi emporter par sa passion pour la photographie. Elle commence par faire des photos de ses amis, pour leurs familles, ce qui lui permet de se faire la main. Elle apprend comment gérer les modèles, les rassurer, les guider. Rapidement, elle a su que c’était un type particulier d’images qui l’intéressait : 
« J’avais dans le coin de la tête l’idée que j’aime les photos de nus. Je savais que c’était ce genre qui me motivait vraiment. »
Jelena par Helegramy
« J’ai demandé à une amie proche que je trouve vraiment très belle si je pouvais la photographier nue ; c’était la toute première séance que j'ai publié en tant qu'Helegramy. Puis très vite, suite à une annonce que j’avais passée, la modèle Jelena Volkov m’a contactée. Dès la première séance qu’on a faite ensemble, les photos étaient hallucinantes ! Jelena m’a beaucoup apporté. » 

Si aujourd’hui les demandes de modèles affluent auprès d’Hélène dont l’agenda est bien rempli, tout au début, l’idée de photographier des personnes nues la stressait un peu. Avant de se lancer derrière l’objectif, elle a eu l’idée de passer devant, de poser déshabillée pour voir ce qu’on ressent. 
« J’ai contacté un photographe que j’admire beaucoup, Chill, et je lui ai expliqué que la photographie de nu m’intéressait. Je lui ai dit que j’avais besoin de comprendre ce que les modèles vivent. En posant pour lui, j’ai réalisé toute l’ampleur du travail, aussi bien du photographe que du modèle. C’était une expérience vraiment enrichissante. Il m’arrive encore d’ailleurs de poser, j’aime participer au travail d’un artiste. » 
Je lui demande d’où lui vient cet intérêt pour le nu, question à laquelle elle m’a avoué ne pas savoir trop quoi répondre. Elle aime ça, c’est tout. Comme on peut aimer les photos de fleurs, les portraits, ou l’urbex. Elle précise tout de même : 
« Le corps humain m’intéresse, c’est pour ça que j’aime la photo de nu. »
« Quand j’ai commencé, je me suis automatiquement dirigée vers le corps féminin parce que c’est celui que je connais le plus, celui que je comprends. Je comprends aussi les sentiments des femmes, j’étais sensible à leur point de vue. »

Chloé par Helegramy

Du naturel 




Je lui demande de me décrire un peu le déroulé de ses séances photo : 

« Je rencontre toujours les modèles avant la séance. On va boire un verre, on parle de photo et très vite on se met à papoter de choses et d’autres, on discute comme des copines et ça sert aussi à mettre la personne en confiance. »
« Le jour de la séance, je viens vers 10 – 11 heures le matin parce que j’aime bien la lumière du jour. Je vais chez la modèle pour qu’elle soit plus à l’aise, j’apporte des croissants ; c’est ce qu’avait fait Chill quand il m’avait photographiée et j’avais adoré ça alors je l’ai copié ! Prendre le petit-déjeuner ensemble ça met une bonne ambiance ! »
« Puis on va faire des photos dans son salon ; je lui demande de s’asseoir sur son canapé, tout simplement. Au début, la modèle est souvent crispée - c’est normal - alors je fais en sorte qu’elle se détende en racontant plein de bêtises et puis après ça se passe tout seul. J’observe aussi les gestes qu’elles font, j’aime les postures naturelles. Je ne dirige que rarement mes modèles et, quand c’est le cas, c’est parce que je souhaite réaliser une image particulière plus graphique. » 

Même si Hélène fait souvent du nu, elle ne demande pas à ce que les modèles se déshabillent à chaque fois. Elles se laissent guider par le moment, par le feeling, le naturel. C’est quelque chose qui prime pour Hélène : le naturel. 
Gali par Helegramy
« Je ne veux pas de lingerie super guindée. Je demande aux filles de porter quelque chose de décontracté, ce qu’elles aiment bien mettre, même si ce sont des sous-vêtements dépareillés ou si c’est un vieux tee-shirt avec des Gremlins dessus ; ça dépend vraiment de la modèle, de sa personnalité, son univers. »
« Je n’aime pas que les modèles soient trop maquillées. D’ailleurs je ne me maquille pas, je ne vois pas pourquoi il faudrait se sentir obligé de le faire. De toute façon, il ne faut pas oublier que c’est de l’argentique : les cernes, on ne les voit pas ! Et si tu n’es pas bien épilée, ça ne se voit pas non plus ! »
« J’ai vraiment la volonté d’une photo au naturel, tout en douceur. Un corps brut sans vulgarité. De toute façon, pour moi, le corps d’un homme ou le corps d’une femme ne sont pas vulgaires. » 
Hélène souligne d’ailleurs que très peu de ses photos ont besoin de cette fameuse censure imposée par des réseaux sociaux comme Instagram qu'Hélène utilise pour se faire connaître : 
« J’aime mieux la délicatesse d’une épaule, d’une hanche, qu’un corps visible en entier. J’apprécie les cadrages serrés. C’est pour ça aussi que j’aime les photos de nus. Si je devais faire un zoom d’un tee-shirt, ça n’aurait pas grand intérêt ! »
J’apprécie particulièrement les cadrages d’Hélène, je trouve fascinante cette façon qu’elle a de photographier un détail d’un certain angle de vue. Elle précise :
« Je ne réfléchis pas au cadrage ; je le fais naturellement, ça vient tout seul. Tu prends plusieurs photos et quand tu trouves un cadrage qui te plaît vraiment, quand tu sens que ça va être canon, alors là tu jubiles ! » 

Daisy par Helegramy


Confiance en soi et body positive 




Hélène fait très attention à ses modèles, elle veille à ce qu’elles se sentent bien. Je lui demande alors si, d’après elle, être photographe femme permet aux demoiselles d’être plus à l’aise : 
« Je pense que oui, les filles se sentent plus en confiance, même si, quand j’ai rencontré Chill et que j’ai fait des photos avec lui, on s’est tout de suite tellement bien entendu que je ne me suis à aucun moment sentie gênée. Mais certaines filles me disent qu’elles trouvent ça plus naturel, que c’est comme « traîner entre gonzesses » ; elles se sentent plus à l’aise et insouciantes que s’il y avait un homme en face. »
« De mon côté, je remarque que je suis de plus en plus détendue. Je suis très à l’aise avec le fait que mes modèles soient nues, on en rigole même ! En fait, je ne comprends plus trop la pudeur. C’est presque devenu quelque chose d’inconcevable pour moi. Je me sentirais plus « nue » si je devais chanter habillée dans un karaoké plutôt que de poser déshabillée. » 
On retrouve ici pleinement la démarche artistique d’Hélène : 
« Je considère le vêtement comme une barrière. À partir du moment où tu te maquilles, que tu choisis une tenue, tu es déjà en train de te déguiser ; on perd de ce naturel que je recherche. » 
Cette recherche de la beauté des corps, sans vêtements ni fards ou retouches, rejoint la pensée body positive. À travers ses photos, elle aide aussi les femmes à s’accepter, à aimer leurs défauts : 
« Si une nana me dit « Je n’aime pas mes poignées d’amour », je les prends exprès en photo. J’aime photographier ce que les modèles n’aiment pas chez elle mais à ma façon, pour qu’elles se trouvent belles, qu’elles soient heureuses en voyant les images. J’aime bien les plis mais c’est sûr que si la nana a un double menton sur une photo, je ne déclenche pas ! On a tous un double menton quand on baisse trop la tête, qu’on fasse du 34 ou du 42. » 
D’ailleurs, quand je lui demande si elle recherche un type particulier de modèle, elle me répond par la négative : 
« Bien au contraire ; je cherche vraiment à varier les profils, les caractères, les ambiances. J’ai pas mal de séances photos de prévues avec plein de femmes très différentes et ça me plaît énormément ! » 
« Pour ce qui est des modèles masculins je ne m'étais pas posée la question jusqu'à maintenant, mais j'ai eu l'occasion de faire une première séance et ça m'a donné envie de continuer. Le point de vue des hommes et leur démarche vers ce genre de photographie m'intéresse, je suis curieuse de voir ce que je pourrais créer avec eux. » 

Vincent par Helegramy



L’échange et la rencontre au cœur de sa démarche photographie 




À travers toute l’interview, certains thèmes se distinguaient nettement comme étant centraux dans la réflexion d’Hélène. Parmi eux, on trouve bien sûr sa passion pour l’analogique, la nudité et le naturel, mais également une envie sincère d’apprendre à connaître de nouvelles personnes. 
« J’ai réalisé que ce que j’aime le plus, en fait, c’est de rencontrer des gens. Pour moi, la photo, c’est du partage. » 
Que ce soit via Instagram, les séances photos ou les formations autour de la photo, Hélène a élargi son réseau et découvert cette belle communauté de passionnés d’image. Mais, plus encore qu’une rencontre, la photographie rime pour Hélène avec un échange sincère : 
« Pour moi, la photo est un duo qui nécessite beaucoup d’échanges ; prendre un cliché sans prendre le temps de connaître un peu mieux le ou la modèle, ça ne m’intéresse pas. J’aime discuter avec eux, voir pourquoi ils et elles font ça, découvrir leurs histoires. Je trouve que c’est réellement épanouissant d’avoir leurs témoignages ; on s’apporte mutuellement quelque chose. Cet échange est précieux. » 
Gali par Helegramy

Lancée depuis peu dans la photo, Hélène y a découvert une passion, un moyen d’exprimer son talent, de s’enrichir par la rencontre de nouvelles personnes. Elle déborde d’envies, d’idées : 
« Je ne suis encore qu’un tout petit bébé de la photo et ça me plaît. Je sais qu’il y a encore tant de choses qui m’attendent ! Ça me plaît énormément ! » 

Suivez la sémillante Helegramy sur Instagram

Vous pouvez aussi la suivre sur son tumblr





mardi 12 septembre 2017

Jessica Preis et ses crazy vulva !

C’est rue Sainte Madeleine que j’ai rencontré Jessica Preis pour la première fois, il y a un peu plus d’un an. Elle participait à une expo, La Beauté des travers, en compagnie de Solène Dumas, Justyna Jedrzejewska et Léontine Soulier. 

Ses œuvres m’ont tout de suite charmée autant qu’interrogée. Des bustes féminins brodés de fleurs ou d’encres, des utérus présentés comme des strings rose pâle et rouges accrochés sur des cintres indiquant S, M ou L, des photographies d’un broyeur dans lequel sont pris au piège ces mêmes utérus. Elle porte un regard intéressant sur les femmes, leur corps et plus largement sur de nombreux tabous qui régissent la société.

Jessica Preis est une artiste féministe, sensible à l’écologie, une passionnée d’art qui sait se faire aussi poétique que déroutante. Une très belle personne qui fait preuve d’une intelligence fine et d’une ouverture d’esprit admirable dans chacune de ses réflexions.

Rencontre avec Jessica Preis, artiste plasticienne et scénographe.


Série Mes Hystériques, 2014, tissu, fil, coton
Crédit photo Blandine Rolland (installation sur un chariot de ménage)

J’aime promouvoir l’art qui me plaît



Comme à mon habitude, je commence l’interview en demandant à l’artiste de revenir sur son parcours. Elle m’explique :

« Après le bac, j’avais décidé de faire mes études dans la pub mais ça ne m’a pas plu. C’était un univers trop capitaliste et pas assez artistique. Ça ne me correspondait pas du tout, j’étais très déçue et j’ai vite arrêté. » 
« Alors j’ai décidé d’aller à la Fac des Arts à Strasbourg parce que je me suis dit que l'art devait entièrement faire parti de ma vie. J’ai toujours aimé l’art, il tient une place considérable dans mon existence. J’ai fait une Licence puis un Master recherche. Parallèlement à la fac, je faisais du bénévolat d’accrochage ponctuel dans des galeries. » 
« Mes études finies, je me suis mise à exposer moi-même. J’ai exposé à La Station, dans un local de la rue Sainte-Madeleine, à la Spacejunk de Lyon, à la Maison Bleue, à la MISHA … J’ai aussi organisé des expos. J’investis beaucoup le shop de Seb pour des expos ; je m’occupe de tout, l’organisation, l’info, la communication, … »
Série Bustes, 2015-2016, tissu, fil, colle d'amidon, échelle 1 Crédit photo Karina Perepadya1


Seb, le chéri de Jessica, est tatoueur à Two Aces Tattoo Club situé au Neudorf. Elle y a déjà dévoilé les œuvres de plusieurs artistes comme le photographe Kick My Oldie, Paule Brun ou encore Rac'Hell Calaveras. Elle m’explique :

« Seb et son collègue avaient déjà lancé le principe des expos et ils m’ont donné la suite, ce qui leur permet de mieux se concentrer sur le tattoo. Ce ne sont pas de grosses expos, c’est sûr, j’ai un budget modeste, mais cela me plaît énormément ! » 
« Parallèlement, je travaille dans une galerie d’art située Rue de la Course à Strasbourg. »

Jess trouve en la présentation d’autres artistes une source d’épanouissement :

« J’ai vraiment pris goût à ça. J’aime donner aux autres. J’ai réalisé d’ailleurs que je préfère mettre en avant d’autres artistes plutôt que moi-même. Et puis je trouve important de promouvoir des personnes talentueuses ; il y en a trop qui ne se montrent pas assez, c’est vraiment dommage. » 
« Et puis joindre l’organisation d’exposition avec ma propre création d’art est quelque chose que j’adore, même si ce n’est pas toujours facile de pouvoir faire les deux ! »

J’ai trouvé dans le tissu le médium qui me permettait de m’exprimer



Venons-en justement à sa propre pratique artistique. Jessica pratique l’art textile, un domaine qui m’est peu familier. Je lui demande d’où lui vient cette passion pour le tissu :

« Quand j’ai commencé à la Fac des Arts, j’avais une pratique artistique multiple. Je répondais aux projets qu’on me donnait. J’ai commencé à me trouver lors de ma dernière année de Licence ; on avait un thème libre mais il ne fallait utiliser qu’un seul medium et j’ai choisi le tissu. Ça a été une révélation ! J’ai trouvé dans le tissu ce qui me permettait de m’exprimer davantage, de façon plus juste. Je travaille à la main car, quand j’utilise une machine, je me sens plus réduite dans ma création. »
« De coudre, en revanche, m’apporte une très grande liberté ! J’aime modifier la structure du tissu, par exemple avec de la colle d’amidon, la déconstruire, dessiner dessus avec de la broderie, jouer avec les volumes, … Il y a vraiment plein de possibilités. Et puis je reçois aussi des conseils de Seb pour les ombrages, etc. »

CRAZY VULVA PROJECT Burlesque Vulva, 2017, soutien-gorge, tissu, fil, perle, plume.


Je la félicite d’ailleurs sur le très beau couple qu’ils forment. Deux artistes ensemble, c’est quand même super sympa !
« Il est vrai que c’est quelque chose que j’ai toujours recherché, d’être en couple avec un artiste. On se comprend, on respecte la passion de l’autre, son implication. On ne va pas se reprocher entre nous le temps qu’on passe pour notre passion mais, au contraire, on s’encourage. »


Questionner les tabous, les normes



A travers le tissu, Jess a trouvé l’art qui lui correspondait, un moyen de s’épanouir dans sa création et de s’exprimer avec justesse et plaisir sur son sujet de prédilection :
« J’aime questionner le corps des femmes, les tabous, les normes de beauté occidentales. »
Elle m’explique qu’elle se considère comme étant féministe sans pour autant souhaiter se rattacher à un courant spécifique :

« Il y a tellement de formes de féminisme ! Je ne connaissais pas trop historiquement ce mouvement avant de m’y pencher de manière assez poussée pour mon Master… Je ne me rattache pas à un courant féministe précis, je préfère piocher dans chaque. On peut vivre le féminisme au quotidien sans être accolé à un mouvement. »
Jessica Preis, Efflorescence, broderie sur toile, 2016,
 PROJET VENUS de la galerie SPACEJUNK, Lyon
crédit photo Xavier Topalian

Son féminisme se retrouve en tous cas pleinement dans ses œuvres qui interrogent les spectateurs et les poussent à réfléchir :

« Les gens ne comprennent pas toujours mes créations mais je leur explique ; ils me posent des questions, ils s’intéressent. Les femmes semblent plus sensibles à mon travail. Peut-être qu’il leur parle plus. »
« Ma série sur les vulves a un peu dérangé. On est plus habitués à dire « bite » toutes les deux minutes que « vulve ». Les gens sont un peu gênés parce qu’ils ne sont pas habitués. Et je dois dire que j’aime bien perturber ! J’aime l’idée que mon travail puisse amener les gens à se poser des questions, à réfléchir. Si je peux les tracasser ne serait-ce que quelques minutes, je suis contente. L’art peut aussi servir à ça. »
CRAZY VULVA PROJECT Golden vulva, 2017, soutien-gorge, tissu, fil, perles


Jessica réalise en effet des vulves délicates et pleines de couleurs à partir de soutiens-gorge qu’elle transforme entièrement. Pour sa série sur les bustes féminins, elle avait effectué des moulages de poitrines d’amies à elle qui s’étaient portées volontaires. Elle tenait absolument à ce que ses œuvres soient réalisées à partir de vrais corps, tous différents, ce qu’on peut relier à sa façon de penser très body positive.

Elle précise :

« Je vois mon travail artistique aujourd’hui plus comme un cheminement, une gestation qui vient de plein de choses. Tu pars quelque part, tu reviens, mais le sujet ne te quitte jamais. Il y a tellement de choses à dire sur les femmes et leur place dans la société ! Tellement de choses à changer ! »

Homme, femme, vision binaire


Ce sujet m’intéressant très particulièrement, je lui pose de nombreuses questions auxquelles elle répond avec une grande gentillesse et beaucoup de pertinence :

« Dès qu’il y a une avancée, il y a une régression en même temps. C’est ce qui s’est passé lors du mariage pour tous : on propose une loi positive et, immédiatement, des gens ont manifesté contre… Et je ne te parle même pas de ce qui se passe aux États-Unis et dans tant d’autres pays ! »

« En France, je trouve qu’on stagne. On est ancrés dans une routine au niveau des mentalités, on colle beaucoup au rôle que la société nous attribue. »

« Je me demande d’ailleurs comment la société peut évoluer quand on voit la place que les femmes tiennent dans de trop nombreux clips musicaux, pour ne citer qu’eux. Je n’ai pas la télé chez moi, je ne la vois que quand je vais au sport… et je me dis que je suis bien contente de ne pas l’avoir à la maison ! »

« Dans leur vision, si tu es une femme tu es vue comme un vagin, tu es obligée d’être disponible. Les femmes subissent de nombreuses pressions sociales. »
CRAZY VULVA PROJECT Pearly whites vulva, 2017, soutien-gorge, tissu, fil, perles, dentelles


Le harcèlement de rue est évidemment un très gros problème :

« Trop d’hommes ne le comprennent pas. Ça les touche quand ça arrive à un de leur proche mais sinon ils agissent comme n’importe quel connard qui veut contrôler les femmes. C’est désolant ! » 
« J’aimerais bien pouvoir un jour sortir de chez moi sans avoir à me demander ce qui va m’arriver, qui va encore m’aborder. Juste sortir tranquillement, marcher normalement dans l’espace public. » 
« Les hommes sont à l’extérieur, les femmes à l’intérieur, c’est un cliché qu’on apprend dès qu’on est petit dans les contes, les dessins animés. » 
« Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi beaucoup de normes qui pèsent sur les hommes. Au final, c’est cette vision binaire qui nous mine tous. » 
« Pour moi, il y a une véritable différence entre le machisme et la virilité. Je trouve qu’un homme qui assume sa féminité est très viril car il est en accord avec lui-même, il dépasse les pressions sociales pour vivre comme il l’entend. »

S’aimer comme on est



Jessica mène donc une réflexion intéressante sur le genre et la sexualité, sujet qu’elle aimerait pouvoir un jour aborder dans son art d’une manière encore plus intime :

« Tu sais, j’ai plein de projets personnels. J’ai notamment un projet en tête sur les pratiques sexuelles et ses tabous, ce qu’on devrait faire ou ne pas faire quand on est un homme ou quand on est une femme. Il demande de la maturation, je ne pourrais pas le faire tout de suite, mais j’y pense régulièrement. C’est lié aux normes du corps et ce qu’on fait avec. C’est quand même incroyable de réaliser qu’il y a des règles qui existent même dans la sexualité. Alors que ce qui est important c’est juste d’être consentant, d’être bien, d’être épanoui ! Il est évident que le sexe demande d’assumer pleinement certaines choses. Certains n’y arrivent pas toujours. »

« Je réalise souvent que quand les gens ne sont pas bien avec leurs corps, ils en veulent aux autres. Ils aimeraient être aussi libérés que les autres mais ils ne le sont pas alors ils vivent dans une constante frustration. Et ils t’en veulent à toi, parce que toi tu as osé sortir du moule et pas eux. Tu vois, je suis sûre que le pire homophobe est en fait un gay refoulé. »

Sans titre, 2016, tissu, fils à coudre

Au final, Jessica tient un discours très positif. Si elle critique le carcan dans lequel le monde actuel nous enferme, elle n’en invite pas moins les gens à s’en libérer pour s’épanouir enfin en toute sérénité :
« Les autres peuvent nous faire très mal, par leurs regards, leurs mots, leurs jugements. On éprouve de la douleur à cause d’eux, à cause de la société, on angoisse à cause de ce qu’on est censé être ou ne pas être, on se demande si on agit bien comme on est supposé le faire … »
« Mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est qu’au final on est tous complexés par quelque chose, mais on est comme on est, et peu importe ce que la société tente de nous imposer, on n’en reste pas moins nous-mêmes. On n’a qu’une vie après tout, alors autant s’aimer tel qu’on est tout simplement ! »
CRAZY VULVA PROJECT Vulve à la perle, 2017
soutien-gorge, tissu, fil, perle, fleur artificielle, boules de Geisha.


Pour suivre l'actualité de Jessica : 







dimanche 10 septembre 2017

Mathias : théâtre, yoga, polyamour et BDSM


Mathias est le genre de personnes qu’on aime rencontrer et avec qui on pourrait échanger pendant des heures, parler de tout avec liberté et envie. Un intellectuel, un artiste, un passionné d’art et de théâtre, d’escrime et d’équitation, de yoga et de méditation, de BDSM et de polyamour. Le temps de deux rencontres, deux soirées fascinantes, il a accepté de se dévoiler, répondant à mes questions bien trop nombreuses et trop indiscrètes avec naturel et gentillesse.
Je le remercie encore chaleureusement pour cela. Et je t’encourage vivement à découvrir le résultat de ces très belles conversations.


Polyamour et libertinage.


La première fois que j’ai rencontré Mathias, c’était à un munch, c’est-à-dire une soirée de rencontre et d’échange autour de la thématique du BDSM. Il s’est présenté comme libertin et polyamoureux. Ce sont des choses bien différentes, ainsi qu’il l’explique :

« Il faut déjà savoir que le polyamour n’implique pas forcément le sexe, contrairement au libertinage. Cela concerne en fait les relations qu’on noue émotionnellement avec les autres. Ça couvre tout le spectre de l’amitié à l’amour. Beaucoup de relations amicales qui sont assez profondes et intenses peuvent être considérées comme du polyamour sans que les personnes concernées ne le réalisent ! Certaines amitiés sont plus fortes que des couples. Je crois qu’au final on est tous un peu poly. »

Être polyamoureux c’est en effet reconnaître qu’on peut aimer simultanément plusieurs personnes. C’est un mode de vie qui reste, je pense, trop peu connu du grand public, entouré de tabous et de préjugés. Le libertinage, en revanche, m’apparaît comme bien plus ordinaire, et voici ce qu’en dit Mathias :

« Je le vois plus comme une recherche de fun à travers la sexualité, une volonté de rompre avec les codes moraux habituels, de briser enfin ce tabou qu’est le sexe. C’est simplement avoir des relations sexuelles avec différentes personnes dans la joie et la recherche de positif. »
« On croit que c’est une grande transgression de coucher avec plein de personnes alors qu’au final, c’est très facile de partager avec son corps sans aucun sentiment. Le polyamour est bien plus difficile dans la mesure où il entraîne toujours des émotions, des sentiments, de l’amour. »
« En ce qui me concerne, j’aime bien mélanger le sexe et l’émotion, je trouve que le sexe n’est que plus fort et que plus génial quand en plus il y a des sentiments. »

Si Mathias s’est rapidement et très naturellement tourné vers le polyamour, il avoue que ce type de relations n’est guère aisé à gérer. Si tu as en ce moment-même dans la tête l’image d’un homme aux anges, dominant son harem, c’est que tu n’as rien compris au polyamour qui implique un immense respect de l’autre, une magnifique sincérité et une réelle égalité. 

« Il faut vraiment distinguer les fantasmes qu’on peut avoir de la réalité. Le polyamour nécessite d’être droit dans ses bottes. Et on n’est pas là pour écraser les gens et faire ce qu’on veut ! »

Je lui demande alors s’il lui est déjà arrivé de mettre en place des règles avec ses copines, comme cela peut être le cas :

« Je n’ai personnellement jamais instauré de règles ou de codes. Ensuite, évidemment, il y a des limites : le respect de l’autre et de soi, la nécessité de prendre l’autre en compte dans sa totalité, sa personnalité, ses émotions. Il est important de toujours parler, échanger. C’est ainsi aussi qu’on va trouver ses limites au final, ce que l’autre n’est pas capable d’accepter, ou ce que nous-même ne voulons pas vivre. En tous les cas la communication est essentielle dans les relations polyamoureuses, elles ne peuvent fonctionner sans. »

Une autre question me vient alors à l’esprit : est-ce qu’ils se parlent entre eux de ce qu’ils vivent avec les autres personnes ?

« Au début, on peut essayer de se protéger en ne s’en parlant pas mais je ne suis pas pour cette politique de l’autruche qui entraîne au final des frustrations et des doutes qui peuvent vite être malsains. De pouvoir en parler, échanger librement, c’est là que c’est magique ! C’est un tel plaisir de pouvoir vivre ça, d’être heureux pour ton compagnon et qu’il soit heureux pour toi. C'est ce qu'on appelle la compersion. Et c’est une complicité unique, incroyablement renforcée ! Même si parfois c'est impossible de le faire selon nos limites où celles de notre partenaire. Il faut toujours faire au cas par cas et ne pas jouer à l'héroïsme émotionnel.»


Transgression.



Ce qui m’a beaucoup plu chez Mathias, c’est sa grande ouverture d’esprit, la facilité avec laquelle il rompt avec les codes qui empoisonnent tant de personnes dans mon entourage. C’est en revenant sur sa jeunesse qu’il me permet de mieux le comprendre :

« J'ai reçu une éducation ouverte de parents soucieux de me donner la possibilité de vivre une vie la plus libre possible. » 
« Quand j’étais enfant il y avait une communauté de lesbiennes anglaises qui était installée. C’était un groupe de rock en fait. Et mes parents sont devenus amis avec elles. Elles nous invitaient souvent. Là-bas, je voyais des trucs un peu bizarres, des crânes, des sculptures de vulve, des objets en cuir, … En grandissant, je me suis mis à les fréquenter plus régulièrement. J’étais vraiment intéressé par leur communauté qui était très axée autour du paganisme et du féminisme. Elles étaient très lady positive. C’est un état d’esprit qui m’a beaucoup séduit. »  
« Et puis dans ma famille on pouvait librement avoir des discussions autour de l’amour et de la sexualité. J’ai très tôt eu accès à des livres qui parlent d’amour, de relations homosexuelles et hétérosexuelles. Je pense que j’ai toujours été habitué à voir le sexe et la liberté sexuelle et amoureuse de manière naturelle. J’ai intégré tout ça comme allant de soi. Et puis j’ai appris à construire mon propre univers, mon imaginaire. »

Evidemment, Mathias n’a pas eu à briser ces codes que j’ai personnellement dû affronter. Je lui fais part de mon histoire, de ma vision des choses, de la difficulté qu’ont les gens d’après moi à dépasser l’idée de la fidélité. Ou alors, si c’est le cas, c’est trop souvent de manière cachée, en trompant, sans vraiment l’assumer. Sans oublier le grand manque de respect que les hommes témoignent trop souvent aux femmes qui sont ouvertes sexuellement. Il m’apporte son point de vue :

« J’ai déjà été en couple avec des femmes polyamoureuses mais il y en a aussi d’autres à qui je l’ai fait découvrir. Ce n’est pas toujours évident pour elles car, comme tu le dis très bien, cela nécessite de briser des codes et surtout de se reconstruire. »
« Pour moi, en fait, les codes qui sont le plus ardus à casser sont ceux que nous avons connus à travers Walt Disney. »
« On grandit en regardant des dessins animés qui nous font croire qu’il n’y a qu’un type de relation qui existe et qui est bien, ce modèle de relation exclusif et total où les gens se fondent l’un dans l’autre. Ce fameux couple du prince et de la princesse. A mon sens, il est très difficile de sortir de cette vision-là. D’autant qu’on la retrouve dans de trop nombreux films : on a toujours le même schéma, la même problématique, le couple monogame, la fidélité contraignante, la jalousie maladive et destructrice … On nous apprend qu’il faut presque constamment se sentir menacé dans son couple alors qu’au final, il n’y a pas vraiment de raison de l’être ! 
« Tous ces dessins animés, ces films, ces nombreux mediums enferment les gens dans un carcan. S’ils aiment cette façon de vivre, je le respecte pleinement évidemment. Mais ce n’est pas fait pour moi. »

« Je pense en tous cas qu’il est important de mener une réelle réflexion sur l’appartenance, la possession, la peur. Il faut prendre du recul. Dire à un être-vivant : tu es à moi, tu m’appartiens, c’est quand même très fort. Trop de personnes le font quotidiennement sans même jamais avoir pris le temps de réfléchir à tout ce que cela impliquait. Et elles souffrent également d’un gros stress lié à la jalousie et à la peur de perdre l’autre. » 
« Je trouve qu’on donne trop souvent une vision du couple qui me semble assez malsaine. Je parle de cette fameuse idée selon laquelle on aurait besoin de l’autre pour remplir un vide imaginaire qu’on a en soi, comme si on ne pouvait être heureux simplement soi-même, et s’aimer soi-même. Cette idée de devoir dépendre de quelqu’un d’autre n’est en tous cas pas quelque chose que je vais rechercher. Non, je préfère quand les personnes sont indépendantes, c’est bien plus sain, cela permet d’éviter des relations qui risquent de se révéler pathologiques. »

Je lui demande s’il pourrait retourner à une relation monogame :

« Quand tu commences le polyamour, à moins que ce ne soit pas fait pour toi, je ne pense pas que tu puisses t’arrêter et repasser à une relation monogame. Tu découvres une telle liberté dans le polyamour alors comment pourrait-on accepter de perdre ou ne serait-ce que de restreindre cette liberté ? » 
« Il y a de tellement belles femmes, intelligentes, avec qui je passe de si bons moments, aussi bien sexuels, sensuels qu’intellectuels. Ce sont des instants géniaux, faits d’amour et de respect. Je n’ai pas envie d’y renoncer, clairement pas ! »


Sadisme.


Je glisse alors la conversation vers un autre sujet qui m’intrigue beaucoup, le BDSM. Je lui demande comment il a découvert ce type très riche et varié de pratiques sexuelles :

« Un jour, j’ai mis une fessée, juste comme ça, dans le feu de l’action. Je pense que c’est déjà arrivé à tout le monde ! Et puis j’ai utilisé une cravache, puis des cordes pour l’entrave et ainsi de suite. C’est une passion en fait, tout simplement. C’est comme quand tu achètes ta première moto et puis progressivement tu vas trouver de nouvelles pièces, puis t’en prendre une plus puissante et ainsi de suite. Tu te laisses entraîner dans le délire en fait. » 
« Et puis j’ai assisté à mon premier munch ici, à Strasbourg, il y a un peu plus d’un an. J’en avais entendu parler sur Fetlife. J’ai décidé de m’y rendre afin de rencontrer des personnes qui partagent ma passion pour le BDSM. »

Qu’est-ce qu’il aime tant dans le BDSM ?

« Le BDSM, c’est tellement bon ! C’est une tel échange d’énergie, de partage ! C’est quelque chose dont on ne peut plus se passer une fois qu’on y a goûté. »

Evidemment, je lui demande de préciser. Pour avoir un peu fréquenté ce milieu, j’ai remarqué que chacun a son petit truc à lui. Il y a déjà la distinction entre dominant et soumis, bien sûr, mais il y a ceux qui aiment l’entrave, d’autres vont préférer les impacts (fouets, fessées, cravaches), d’autres les morsures et ainsi de suite … Mathias est quant à lui assez ouvert :

« J’ai un rôle de sadique. Je vais t’infliger quelque chose pour faire monter l’endorphine, pour te faire entrer dans une phase de transe et pour que moi aussi j’entre en transe. Par le plaisir que tu reçois, par ton langage corporel, je ressens aussi du plaisir. C’est un art de jouir comme ça. »
« Je vois le BDSM un peu comme une improvisation musicale. On prend son instrument et on va s’en servir pour être le plus juste, on va intervenir au bon moment et avec la parfaite intensité. »
« Mais sinon je dois dire que je n’ai pas de pratique de prédilection. Avec telle personne je vais plus jouer avec les cordes, avec telle autre ce sera le fouet ou le plug. De toute façon, le BDSM, c’est toujours différent selon les personnes, leur façon de réagir … Si une personne aime que tu joues avec ses tétons, forcément, tu vas préparer les pinces. Personnellement, j’aime beaucoup la fessée mais aussi attacher les femmes, alterner la fessée et le jeu avec des doigts, le tout de façon crescendo, en alternant plaisir et douleur. »

Je lui parle un peu des relations domination-soumis. Si certains ne vivent ce type de relation qu’un temps, par exemple lors des pratiques sexuelles, d’autres sont capables d’aller bien plus loin et de le vivre en non stop, vraiment 24h/24. C’est quelque chose que j’ai du mal à comprendre, et ce n’est pas faute d’avoir essayé ! J’espère en apprendre un peu plus à ce sujet auprès de Mathias mais lui-même n’aime dominer que pendant un temps donné :

« Je n’ai pas envie de vivre une relation DS 24h sur 24, je comprends que certaines personnes se retrouvent là-dedans, cependant ça ne me correspondrait pas. Comme je te l’ai déjà dit, je préfère les personnes indépendantes. Et il y a ce fameux risque de l’emprise, de relations qui deviennent anormales, dangereuses. Il ne faut pas tomber dans la codépendance. Non, vraiment, le DS, pour moi, ça peut être fun pour un week-end, mais pas plus ! Je le vois plus la domination et la soumission comme un espace dans lequel on va rentrer sur un déclic, ça peut être un mot, un regard, une intensité, avant d’en ressortir ensuite, sans jamais y rester trop longtemps. »

Pour clore sur ce sujet, je lui demande de me parler des soirées BDSM et libertines :

« Les soirées BDSM, oui, j’en ai déjà fait et c’est vraiment très sympa ! Mais je dois dire que ce que je préfère c’est quand je suis seul avec une personne, quand on est tous les deux dans notre bulle. J’ai besoin d’intimité. » 
« Le BDSM c’est un petit milieu dans lequel je me suis tout de suite bien intégré. Le milieu libertin, c’est différent. C’est très pyramidal. Il y avait quand même pas mal de beaufs, il faut l’avouer, et je me sentais noyé dans la masse, cette ambiance ne me plaisait pas. Mais bien sûr j’ai aussi connu des soirées libertines fort sympathiques, il ne faut pas généraliser ! » 
« Ça peut faire très cliché, mais dans le milieu BDSM le niveau intellectuel est généralement plus élevé. Tu as pu t’en rendre compte toi-même en le fréquentant : il y a des thésards, des ingénieurs, des artistes … Et ça créé un effet de milieu. Il y a des comportements qui sont attendus entre personnes qui se comprennent, on a des codes de comportements qui sont forcément un peu exigeants. Mais le milieu BDSM reste ouvert bien sûr et très positif. »

L’intensité.


Mathias est également un grand passionné d’art doté d’un esprit très créatif. Entré au conservatoire, il y a appris la guitare, le chant, la danse, le théâtre … Il a d’ailleurs joué dans plusieurs pièces de théâtre, en plus d’avoir déjà interprété des rôles à l’opéra de sa ville natale. Il m’explique :

« A travers mon éducation, j’ai appris à prendre en considération toutes les formes d’expression, je suis très sensible au dessin, à la peinture, à la musique, au cinéma indépendant … Et à l’écriture bien évidemment. » 
« En fait, l’art a toujours été très présent dans ma vie. Et je pense qu’il y a très certainement un lien entre l’art, le BDSM et le polyamour. » 
« Quand tu danses, tu chantes ou quand tu joues, tout ton corps est en action, tu es complètement immergé dans le moment présent, plus rien d’autre n’existe, tu t’oublies pour devenir un canal à travers lequel quelque chose s’exprime. C’est pareil pour le BDSM. Tu vis la même intensité. Il n’y a plus que la douleur et le plaisir, le jeu, l’échange qui existent. »

Mathias accepte pour mon plus grand plaisir de me parler de ses projets artistiques actuels :

« Je suis en train d’écrire un spectacle dans lequel un personnage raconte des contes épiques. En fait l’idée est simple : les spectateurs s’arrêtent un soir dans une taverne et là il y a un aventurier qui a vécu des choses extraordinaires qui décide de raconter son histoire, il emmène les gens dans ses souvenirs. En fait, le spectateur aura aussi un rôle clé, il y aura un côté interactif lié à des objets symboliques qui serviront de clés … Mais je t’en dis déjà trop ! » 
« A côté de cela je fais également partie d’un duo de blues. On n’a pas encore commencé à tourner, on a encore deux-trois choses à mettre en place, mais les premiers concerts ne sauront tarder. Mais je dois dire que je rêve aussi de pouvoir monter un groupe de stoner, je suis en discussion avec différents musiciens actuellement. »

S’immerger. 


Bon, je le reconnais, cet article commence à être long. Mais avant de terminer, je voulais encore évoquer un peu avec toi, cher lecteur, la passion qu’à Mathias pour la méditation, un domaine qui, pour ma part, m’est complètement inconnu ! Il faut dire qu’elle tient une place très importante dans sa vie puisqu’il la considère même comme essentielle pour lui.

« La méditation m’aide à être bien avec moi-même, à gérer mes émotions. Elle aide aussi dans l’art car elle offre la capacité de se concentrer, de se connecter à quelque chose de profond. C’est toujours la même chose en fait, dans l’art, le BDSM et la méditation : il s’agit de s’immerger pleinement dans le moment présent. » 
« D’ailleurs la méditation comme le BDSM peuvent entraîner tous deux des grands moments de bonheur et d’évacuation du stress. »

Comment a-t-il découvert la méditation ? Eh bien ! Via le tantrisme !

« Quand j’étais jeune, j’ai lu un livre à propos du tantrisme, c’est Tantra de Daniel Odier. Il raconte la découverte du tantrisme par un occidental. Il ne parle pas du tout de cul mais vraiment d’un voyage intérieur, d’une découverte de son soi profond. Je l’ai lu en une nuit. Je m’en rappelle encore très bien. J’étais assis en tailleur sur mon lit, et c’est là aussi que j’ai fait ma première méditation. »

Aujourd’hui, la méditation fait même partie de son travail :

« J’ai ma propre entreprise qui propose des formations pour gérer son stress, apprendre à prendre la parole en public et favoriser le team building. J’aide les gens à partir en découverte d’eux-mêmes en utilisant le théâtre. Je les aide à découvrir et à réveiller leur corps endormis, à révéler la puissance de leur voix. Et bien sûr j’inclus des moments de médiation, de relaxation ainsi que des exercices physiques. »

Pour terminer cet article que j’ai vraiment adoré écrire, et j’espère que tu as aimé le lire, je laisse évidemment la parole au très impressionnant Mathias :

« Je pense qu’il faudrait que les gens comprennent qu’on a en nous tout ce qu’il faut pour être heureux. On n’a vraiment pas besoin de grand-chose en fait. Et surtout, il faut qu’ils comprennent que le bonheur n’est pas quelque chose d’extérieur à nous, non, il est à l’intérieur de nous. Quand tu ressens ça, la société de consommation n’existe plus. On n’a pas besoin de rechercher la gloire ou la reconnaissance des autres, tu n’as pas besoin d’une femme pour te donner l’amour que tu n’as pas pour toi-même. »





mercredi 26 juillet 2017

Roseline Bûcher

Nuevo Mundo. Je ne compte plus le nombre de fois où je suis passée devant. Le plus souvent en tram, direction Gare Centrale. Et pour cause, Nuevo Mundo est un salon de tatouage situé juste devant l'arrêt Porte de l'Hôpital. Je voyais toujours le nom du shop éclairé en grand, avec cet immense dessin de pin-up qui m'aguichait. 

Eh bien ! L'autre jour, j'ai enfin eu l'occasion de m'y rendre ! J'avais rendez-vous avec la jeune apprentie de Dago, Roseline Bûcher. 

J'avais découvert certaines de ses œuvres sur Instagram. Cartes de tarot, bestiaire médiéval, petits insectes, chauves-souris, crânes ... Pas besoin de t'en dire plus, tu t'en doutes, j'ai eu un gros coup de cœur. 

Viens avec moi, on va faire connaissance avec la sémillante Roseline Bûcher !





Du rêve au tatouage


Roseline Bûcher est une jeune artiste qui vient de Metz, ville où elle a fait les Beaux-Arts pendant cinq ans. Bon je dois dire qu'avant ça elle avait fait un bac S mais, en parfaite littéraire que je suis, j'ai promis de ne pas lui en tenir rigueur. Les Beaux Arts, en tous cas, ont été une belle expérience pour elle :
"J'ai pu expérimenter différentes formes artistiques. Photographie, gravure, installation ... Et de ce point de vue-là c'était vraiment enrichissant."
Une chose l'a tout de même déçue dans cet univers : la rupture entre le client et l'artiste, le manque de contacts.
"Le public ne connaît pas les artistes, il ne les rencontre pas. Il n'y a aucun échange. C'est quelque chose qui m'a manqué je pense. Ce dont j'avais envie, c'est que deux personnes,  le client et l'artiste, puissent créer quelque chose ensemble, faire naître une image qui leur parle à tous les deux."
A la fin de ses études, Roseline a donc décidé de changer un peu de domaine pour réaliser un service civique dans l'animation culturelle :
"J'ai travaillé dans une roulotte qui voyageait en zone rurale. On faisait des animations autour du rêve. Les personnes qui venaient à notre rencontre nous confiaient leurs secrets, leurs souhaits, les images de leurs songes ..."
Question échange, rencontre, Roseline était aux anges. Mais une chose venait encore la tarauder :
"Après les Beaux Arts, je me questionnais beaucoup. Je savais que j'adorais énormément le social, et j'étais très satisfaite de cette expérience dans l'animation, mais je ressentais le désir ou même plutôt le besoin de dessiner. Ça me manquait terriblement. Et c'est là qu'est revenue mon envie de tatouer."

"Dago m'apprend beaucoup de choses, c'est un vrai guide !"


La belle demoiselle s'est donc mise en quête d'un tatoueur qui accepterait de la prendre comme apprentie et Dago lui a ouvert ses portes. C'était il y a un peu plus d'un an.
"J'ai vraiment eu de la chance ! Je suis venue lui demander au moment où, justement, il cherchait un apprenti."
"J'admire beaucoup les tatoueurs qui se lancent seuls, sans avoir fait d'apprentissage au préalable. Mais je n'aurais pas pu personnellement, je ne crois pas que j'en aurais eu le courage."
"Dago m'apprend beaucoup de choses, c'est un vrai guide ! Il me permet de progresser non seulement pour l'aspect dessin et tatouage, mais aussi pour le côté social, le contact avec les clients, etc."
Roseline m'explique d'ailleurs que de maîtriser l'art du tatouage n'est pas aussi aisé qu'on pourrait le croise :

"J'ai été assez surprise par la difficulté de la technique, alors qu'aux Beaux Arts j'avais l'impression que tout était si facile à maîtriser, chaque nouvelle matière ou façon de faire. En plus, pour le tattoo, il y a la question de la peau, ce support qui évolue, cette notion de temps qui est forcément à prendre en compte. Il faut par exemple veiller à ne pas faire de lignes trop fines car elles vont mal évoluer. Il y a tant de choses à prendre en compte !"
Elle revient sur ses premières expériences : 
"Au début je tatouais des amis ou des personnes volontaires. J'avais beaucoup de pression ! Chaque tattoo était une remise en question. Surtout quand tu es perfectionniste ! Un dessin, tu peux le retravailler autant que tu veux. Un tatouage, ce n'est pas pareil !" 
"Heureusement, mes "cobayes" ont été très sympas, ils étaient tous satisfaits de leurs tatouages. Ensemble, on a vécu une belle expérience et je tiens à les remercier pour cela d'ailleurs ! Si ça ne s'était pas aussi bien passé avec les premières personnes que j'ai tatouées j'aurais eu bien plus de mal à trouver confiance en moi et à progresser."
En un peu plus d'un an, Roseline a beaucoup évolué. Il faut dire qu'elle travaille énormément, au salon où elle est du mardi au samedi, comme chez elle. Elle accompagne également régulièrement Dago à des conventions et a participé à celle de la Digital Game Manga Show.

"De baigner dans l'univers du tatouage te permet d'apprendre beaucoup plus vite, aussi bien par ton propre travail que par les échanges que tu peux faire avec les autres tatoueurs."
"Aujourd'hui c'est évidemment beaucoup plus facile pour moi de tatouer, et moins stressant !  J'ai compris comment le tatouage fonctionne. C'est une sorte de feeling en fait qu'il faut ressentir. Tu sais que si tu piques de telle façon, il se passera cela, et ainsi de suite."
Roseline n'a pas encore eu l'occasion de faire des guests mais c'est quelque chose qu'elle envisage avec une réelle envie :
"J'aime beaucoup voyager et j'adore rencontrer de nouvelles personnes ! Et puis je réalise qu'avec les tatoueurs on forme une sorte de communauté, ça fait toujours plaisir de rencontrer des personnes qui partagent ta passion."


Concrétiser un imaginaire. 


Ce que la jeune tatoueuse apprécie tout particulièrement dans son art, c'est de pouvoir partir d'une idée d'un client, une émotion, un moment de vie, pour le retranscrire sous forme de dessin à encrer :
"C'est un défi technique ! Pouvoir réaliser le tatouage qu'ils imaginent. C'est quelque chose de passionnant. Ça me rappelle pas mal ce que j'ai vécu dans la roulotte, quand les personnes venaient se confier, nous parlaient de leurs rêves, de leurs projets. C'est quelque chose que je retrouve dans le tattoo. Il faut partir de leurs pensées et réussir à les concrétiser."
"Le tatouage entraîne une relation particulière avec le client. Il te donne sa confiance et ce n'est pas quelque chose d'anodin. Il faut s'en montrer digne." 
Parfois, le client vient avec une idée assez floue, un simple mot, et Roseline doit travailler autour :
"Une fois, une personne voulait que je lui fasse un tatouage autour de la bienveillance. Je lui ai proposé une carte de tarot et cette idée lui a beaucoup plu. Ça m'a motivée aussi et j'ai dessiné plusieurs cartes. D'une commande est née une planche de flashs !" 
Roseline aime l'échange avec le client. Elle prend toujours le temps de parler avec lui pour monter le projet qui lui plaît. Si, pendant qu'elle tatoue, elle se concentre pleinement sur son travail et ne peut pas beaucoup discuter, les moments qui sont avant et ceux qui viennent après, notamment quand le client revient lui montrer son tatouage cicatrisé, lui tiennent énormément à cœur.


Une passion pour le médiéval.


Roseline m'explique :
"La grande majorité des personnes qui me contactent le font via ma page Facebook. Ils ont donc déjà vu mon travail et souhaitent avoir des tatouages qui sont proches de mon style."
Je lui demande justement de m'en dire plus à ce sujet :
"J'adore l'art du Moyen-Âge ! C'est quelque chose qui me plaît énormément. Ma mère travaille dans les musées de Strasbourg alors j'ai toujours baigné dans les livres d'art, les gravures, les images anciennes. J'adore aussi ces vieilles boîtes d'allumettes qu'on peut retrouver chez ses grands-parents qui ont des dessins incroyables représentés dessus !"
Elle se lève soudainement pour se diriger vers une étagère remplie de livres. Elle m'en montre quelques exemplaires, les yeux scintillants de bonheur : un bestiaire médiéval, un livre sur Durer, un autre sur Bosh, un autre qui regroupe de vieilles planches d'anatomie.
Elle ajoute :
"Je cherche également beaucoup l'inspiration sur Internet. On trouve des sites fantastiques où des personnes postent des scans de très vieilles images qu'ils trouvent dans les archives. C'est un peu un travail d'équipe en fait ! dit-elle en souriant. On trouve vraiment plein de dessins superbes. J'adore notamment ceux que les moines s'amusaient à ajouter dans les marges, ils sont très rigolos, avec des animaux bizarres, des personnages qui font des trucs étranges ... Un minuscule dessin peut être une source d'inspiration énorme !"
Ce qui séduit particulièrement cette passionnée d'art ?
 "Les images anciennes qui ont une histoire derrière. C'est le cas par exemple pour les cartes de tarot. Elles sont très étudiées. Non seulement elles ont un ordre précis, elles sont remplies de symboles, mais en plus elles ont beaucoup évolué."
"J'aime aussi beaucoup le Draconcopedes, c'est la femme-serpent qui aurait donné la pomme à Eve. Mais on retrouve ce même personnage à travers la fée Mélusine. Ce sont des histoires qui se recoupent et se mélangent sans arrêt."
"C'est pareil avec les gens au final. On prend une histoire, on lui ajoute quelque chose, et on en fait une nouvelle histoire. On a tous participé à ce genre d'écriture et de réécriture, d'imaginaire retravaillé, entremêlé de rêve et d'inconscient. D'une certaine façon, le tatoueur aussi participe à ces histoires quand le client lui en confie une." 




Une apprentie qui progresse énormément.


Roseline est une personne cultivée, passionnée et passionnante, débordante d'envie. Mais elle est aussi très sage, réfléchie, et elle avance à son rythme. Ainsi, actuellement, elle ne fait encore que du noir et gris. Elle précise :
"La couleur m'attire beaucoup et j'espère en faire avant la fin de l'année, on verra. Je fais entièrement confiance à Dago pour cela, il me guide dans mon évolution. Quand il sentira que je suis prête, je pourrais tout doucement me lancer."
"Il en va de même pour le réalisme en noir et gris par exemple, je n'en ai pas encore fait. Pour le moment, je me concentre sur les traits, les points, ... Ça prend du temps d'apprendre, la peau, c'est tellement différent du papier !"
Je lui demande alors si elle refuse de faire des motifs qui ne correspondent pas à sa spécialité :
"Quand je reçois ce genre de demande, comme pour le lettrage, j'accepte tout de même de le faire même si je précise au client que ce n'est pas ma spécialité contrairement à d'autres tatoueurs. C'est une question d'honnêteté."
"Mais sinon non, je n'ai encore eu à refuser aucun tatouage. Si une personne veut que je lui tatoue les mains ou le cou, je l'accepte également, sauf si c'est son premier tatouage. Je ne veux pas faire de tatouages trop visibles sur une personne qui n'en a jamais eu car le regard des autres sur elle peut changer sans qu'elle le sache encore. Mais sinon, je pense que chacun est libre de faire ce qu'il veut et qu'il faut le respecter."
Tu l'auras compris, Roseline Bûcher a trouvé dans le tatouage une réelle passion qui lui permet d'allier avec bonheur son envie de rencontrer et d'échanger et son amour profond pour les images et le dessin. Je lui demande si, à côté du tattoo, elle a encore le temps pour s'adonner aux autres arts qui lui plaisent tant :
"J'aimerais bien continuer à faire autre chose mais le tatouage est si chronophage ! Il faut s'y consacrer pleinement. De temps en temps j'arrive encore à faire un peu de graphisme mais c'est uniquement pour des amis ou des associations comme Animalsace."
Et c'est ainsi que s'achève cette interview. Roseline repart mettre le nez dans ses livres et ses croquis, Dago est dans la salle d'à côté en train de tatouer un portrait impressionnant sur un dos, et je me promène dans les rues ensoleillées de la ville. Strasbourg, un repaire d'artistes plus merveilleux les uns que les autres !

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